Le livre artisanal réalisé par l'auteur. 92 pages, 8 euros |
Juste en d’ssous d’la vacuité du ver de vase
Personnages
Tancrède La Motte Boursaille auteur
du roman
Madame Blanche la grand-mère de Jérôme (voix off)
Jérôme Le
petit-fils de Madame Blanche (voix off)
Madeleine- La Reine Mado personnage
du roman
Oscar- Le Roi Oscar 1er personnage du roman
Rachel personnage
du roman
Kévin- Prophète Fourmi Sachante personnage
du roman
Matelot- L’Amiral personnage
du roman
………………………………………………..
Mado Sauvée ? Mon Dieu ! Et
Oscar ? Où est mon Noscar ? Oscar ! Oscar !
Kévin Eh, m’sieur, c’est l’quel son Oscar ?
Tancrède C’est le brave vieux là-bas. J’y vais.
Assois la dame sur cette pierre, là, et va t’occuper de la belle Rachel, elle
n’attend que toi !
Kévin Belle Rachel ? Comment vous savez
qu’elle s’appelle Rachel, celle-là ?
Tancrède Tu sauras tout bientôt, je te dis !
Allez, au boulot, ramène-nous la à la vie !
Mado Oscar ! Oscar ! S’il vous plait,
sauvez mon Noscar !
Tancrède C’est bon, Mado, on y va ! Il est pas
perdu, votre Noscar ! Allez, le Noscar à sa Mado, on rouvre les yeux, on
recrache les p’tits poissons dans la flaque et on respire un bon coup !
Voilà !
Oscar Mais qu’est c’est-y ? Où qu’elle est la
Mado ? Mado ! Mado !
Tancrède Vous affolez pas, Oscar, elle est là, la
Mado ! Tiens, la voilà qui arrive…
Mado Oscar ! Mon Noscar, mon Nonos !
Oscar Ma Mado ! Mon soleil ! Ma
gagouille, ma tartiflette…
Mado Hooouuuuuuuuuu hoooouuuuuuuuu !
Tancrède Ca va, ca va, baissez un peu la sirène,
Mado, y’a pas d’pompiers dans le quartier. Eh ! Kévin ! Tu t’en sors
avec la p’tite ?
Kévin Ouèille ! L’a ouvert les
quinquets ! A’ r’prend son souff’e tout doucement. P’t’ êt’e qu’y faudrait
qu’j’y fasse du bouche à bouche …
Tancrède Holà ! On se calme. C’est moi qui
décide pour les bouche-à-bouche et autres tralalères. Pour le moment, tu
l’aides à s’assoir et c’est tout.
Kévin C’est moi qui décide… C’est moi qui décide…
C’est qui çui-là qui décide des tralalères ?
Tancrède Je vais tout vous dire ! Un peu de
patience, misère ! Tiens, file-moi un coup de main pour le dernier, là. Il
a pas l’air en forme…
Kévin Ca, faut dire…. Dites donc, c’est un
mat’lot. L’ seul qu’a dû rescaper… Ca s’ra pas du luxe pour la suite…
Tancrède T’occupe pour la suite. Ouais, pas bien vif,
le client… Dis, si t’essayais ton bouche-à-bouche, là, pour le coup…
Kévin Merde ! Pourquoi sur çui-là et pas sur
la fille ? C’est pas juste !
Tancrède Calmos ! Juste le
bouche-à-bouche ! Je t’ai pas demandé de lui faire les tralalères !
Allez, ZOU, action !
(Le matelot se met à tousser, à cracher)
Kévin Sauvé par l’ gong ! Bon, ben,
bienv’nue, mec ! T’ l’as échappé belle, j’avais mangé d’ l’ail à
midi !
Matelot Pastingouin du Diab’e ! Qu’a s’est passé ? Où qua j’suis ?
Kévin Ca, mon pote…Y’a qu’ çui-ci qui sait ! Enfin,
à c’qui dit…
Mado Pardi, y’a qu’lui qua sait ! Y’a
toujours qu’ lui qua sait !
Oscar Tais-toi, la Mado. Oublie pas qu’c’est lui
qua tient l’ stylo !
Mado Pour sûr, c’est fastoche quand on tient l’
stylo ! Tiens, si c’était moi qui…
Oscar Oui mais c’pas toi. Alors on fait l’dos
rond, on attend et on voit !
Tancrède Mesdames et messieurs, votre attention s’il
vous plait. Tout le monde est sain et sauf, soyons heureux !
Mado Et les deux mille et què’que’ qu’ ont
coulé, y sont heureux p’t’ êt’e ben ?
Oscar Mado ! Les aut’es, y z’ont coulé, y
z’ont coulé ! Et nous, on est encore là. Ca veut dire qu’c’était écrit
camme ça. Soyons heureux, y’a qu’ça à faire !
Rachel Pardon, messieurs-dames, qui est-ce qui
distribue les cartes ? On m’a dit qu’il y a quelqu’un qui donne les
cartes. Comme c’est ma première fois…
Tancrède Chers amis, comme je le disais, soyons
heureux car une page blanche vient de s’ouvrir. Bienvenue à tous dans mon
nouveau roman !
Mado Un r’man ? Pas mal, ça, un
r’man ! Ca changera du théât’e. J’en avais un peu marre, du théât’e...
Tancrède Mado ! Bon, pour ceux qui ne me
connaissent pas encore, je me présente : Tancrède La Motte Boursaille,
écrivain de théâtre, romans et poésie. Pour vous servir !
……………………………………………………
Rachel Moi, je suis contente que l’heure soit
arrivée. Je savais que ça viendrait un jour. Pas où, pas quand, pas comment,
pas par qui… Mais que ça arriverait, ça, oui. Alors, Rachel, c’est ça ? J’aime bien, Rachel. Mais qui je suis, d’où
je sors, qu’est ma vie ?
Tancrède Bon, écoutez-moi. C’est normal, ce manque
de mémoire, de repères, au premier réveil. Je viens juste de vous inventer, vos
histoires, vos personnalités, vos souvenirs, cela va prendre corps peu à peu.
Vous étiez des potentialités ectoplasmiques en attente, par mes mots, par mon
écriture et ma volonté, vous deviendrez des êtres de chair et d’action. Bon,
vous n’êtes pas tous à égalité. Toi, Matelot, toi Kévin et vous, Rachel, c’est
votre première apparition, votre première révélation. Peut-être la seule,
peut-être la première d’une série. Je suis heureux de vous avoir donné corps,
donné vie, donné âme. Je ne sais encore pas grand-chose de vos destins, cela va
se définir, page à page. Mais je vous souhaite la Bienvenue dans mon œuvre. Oscar
et Madeleine, Mado, pour les intimes, eux, je les rappelle avec plaisir. Ils
sont des personnages importants dans une de mes pièces de théâtre et j’ai pensé
qu’ils avaient encore leur place dans cette nouvelle histoire. Heureux de vous
retrouver, mes vieux compagnons ! J’espère qu’il en est de même pour
vous !
Oscar J’avoue qu’ça m’fait ben plaisir de m’faire
récrire par vous, m’sieur l’auteur ! Surtout qu’ma bonne vieille est dans
l’coup encore c’te fois-ci…
Mado Pardioche, moi aussi ça m’va ben, m’sieur Tancrède,
d’refaire un peu la v’dette pour vot’e z’histoires de tourneboulingues, mais
vainguioux, vous m’refaites pas l’coup du Titanic sous les tropiques !
J’ai ben cru que…
Tancrède On verra, Mado, on verra… Vous savez bien
que quand je commence un récit, je ne sais pas vraiment comment ça va finir.
Mais bon, vous n’avez pas trop à craindre, Mado, il n’y a pas de raisons qu’il
y ait de mauvais plans à votre sujet. Si je vous avais voulu du mal, dans la
pièce, déjà, j’aurais pu…
Mado Ah ben merci ! Ca fait plaisir !
T’entends, mon Noscar ? Si il avait voulu, dans la pièce, qu’y dit !
Qu’est-ce qu’y voulait m’faire, dans la pièce, et qu’il a pas osé ?
………………………………………………………
Matelot Pour sûr, d’ici què’ques jours, tout ça, ça
s’ra du passé…Une bonne brise et…
Mado Mais vous êtes vraiment naïfs! Vous
entravez que dalle ! C’est ça, l’histoire qu’y veut nous faire viv’e, l’
pisseur d’encre ! C’t avec ça qu’y va régaler ses lecteurs ! Un
groupe de pauv’ nocs largués en pleine jungu’e au miyeu du Pacifique, à la
merci de tout c’qua pique, qua mord, qu’ agresse, qua t’ poisonne, qua
t’toxique, qua t’ donne la diarrhée, la peste, le choléra, la variole, la
pelade, la maxymatose, la décalcification, les hamorroïdes, la fièv’e aphteuse
et toutes les salop’ries du monde ! Et à la fin, des années après, les
deux ou trois qua z’auront réchappé, y s’ront vach’ment heureux pa’ce qu’y
s’ront récupérés par un bateau que’conque qui pass’ra « par hasard »…
C't’à dire quand l’auteur, l’aura rempli
l’ nomb’e qu’y faut d’ pages pleines de misères, d’ catastrophes, de larmes, de
p’tites, tout p’tites joies et d’grandes détresses, comme l’axige la r’cette
des r’mans d’aventures qua plaisent au populo, et qu’y s’ra temps d’ mett’e l’
mot FIN au bas d’ la darnière page.
Et qui c’est
les cons-cons d’ la farce ? Les qu’ont tout perdu et souffert camme des
martyrs ? Z’ avez pas une p’tite idée ? Ben moi, c’est marre. C’est
niet, niet niet et re-niet ! J’arrête, ici et maint’nant !
Oscar M’enfin, ma Mado ! T’es fatiguée, ça
s’comprend…
Mado Niet !!!
Rachel Madame Mado, vous mettez pas dans des états
pareils, vous voulez de l’eau fraiche ?
Mado NIEEEEETTT ! Chuis pus là. J’ fais pus
partie du liv’e ! Qu’y s’en trouve une aut’e si ça l’amuse, la Mado, c’est
fini ! Eh ! Vous entendez là-haut ? La Madeleine, la Mado, c’est
fini ! L’ en a marre, la Mado. L’ a pété les plombs, la Mado. A’ s’ casse,
la Mado ! A’ vous dit MERDE, la Mado. Merde, merde et re-merde, môssieur
l’Ecrivain ! Tuez qui vous voulez, la Mado, alle est p’us là la Mado. (Bras d’honneur) Tiens, ça, c’est pour
ta gueule, tortionnaire !
Rachel Pleurez pas, madame Mado, pleurez pas. On est
tous désorientés, mais ça va changer, ça va se mettre en route, on est pas plus
bêtes que ceux d’avant, qui avaient rien et qui ont survécu à tout…
Mado Rêve pas, p’tite, c’est foutu, on va tous
crever. Pire qu’ des rats, y sauraient quoi faire eux, pas b’soin d’ couteaux
et d’allumettes pou’ s’ faire à becter, pas si cons !
Matelot Allez, m’dame Mado, nous, on est p’t’ êt’e
pas si cons qu’ ça. Les gens, y z’arrivent toujours à s’en sortir. C’est sûr
qu’ si on m’avait pas volé mon couteau suisse avant qu’ not’ histoire alle commence,
on aurait déjà un bungalow au d’ssus d’la tête et un alicoptère à pédales pou’
faire des tourniquets en haut d’la monta’ne !
Rachel Vous êtes sûr, vous aviez un couteau suisse
avant le naufrage et vous dites que ça nous aurait sauvés…
Matelot Sauvés… Chais pas, mais bon Dieu, y m’aurait
jamais été aussi utile ! Un douze lames ‘vec le tire-bouchon et les
ciseaux. Et la scie, p’tite mais mordante, j’ vous raconte pas. Tenez, la
cicatrice, là, c’est elle… Et j’invente ren, c’est dans la mémoire qu’y m’a
gravée dans la tête, l’ Tancrède. Au milieu des milliards de choses, y’a l’
couteau suisse toujours dans ma poche. J’vous jure !
Mado Si c’est pas du vice, ça, vous
aut’es ! Y sait qu’y va nous larguer au beau miyeu d’ nulle part qu’on
risque d’y crever et y nous sucre un p’tit outil d’ ren du tout mais qui
pourrait nous sauver la vie ! Mais c’est dégueulasse, y’a pas
d’mots ! Je je…
………………………………………………………
Kévin N’approchez pas, mes filles, désormais il y
aura toujours cinq pas entre les brebis et le berger. Cinq pas, Toujours. C’est
la règle.
Rachel Cinq pas ? Les brebis ? Le
berger ? Ca s’empire. C’est la fièvre. Pauvre Kévin. Tant qu’on n’aura pas
des comprimés…
Mado La fièv’e, j’ veux ben, mais… Non non, c’ t’
un coup du Tancrède, ça fait pas un pli…
Rachel Ca veut peut-être dire que les choses
évoluent, c’est un signe…
Oscar L’a p’ t’ êt’e un message pou’ nous tous
qu’al aurait r’çu dans la fièv’e, ent’e deux diarrhées, va savoir…
Mado Un vrai chouette plan pou’ nous sortir d’ la
merde !
Oscar Parle, l’ Kévin, on s’ la boucle et on
t’écoute, raligieusement…
Kévin A cinq pas, Toujours. Celui qui Sait a dit
cinq pas, Toujours. Car la mesure du savoir est de cinq pas. Du savoir à
l’ignorance, Celui qui Sait mesure cinq pas. Chaque pas ébauché de l’ignorant
au Sachant efface le savoir du Sachant or le Sachant ne peut savoir moins sous
peine de ne savoir rien. Cinq pas, Toujours, jamais moins de cinq pas. Sinon
tout savoir disparaitrait et rien ne serait plus de ce monde et de Celui qui
Sait. Et le monde alors serait aveugle et sourd aux étincelants piliers de
l’univers qui résistent encore et encore aux orages des furieuses trompettes du
non-savoir, de la non-mesure des non-pas in-comptés de l’ignorance et de la
vacuité. Ainsi a parlé Celui qui Sait dans la nuit douloureuse de l’homme de
rien, ainsi Celui qui Sait a-t-il soulevé dans sa paume la fourmi ignorante…
Mado Mon Dieu, pauv’e petit…
Oscar Ca fait peur…
Kévin Les cinq pas du silence ! Les cinq pas,
Toujours. Voulez-vous vous dissoudre à jamais dans la fournaise des
piétinements irresponsables ?
Rachel Pitié…
………………………………………………………
Tous Sachant de Toutes Choses
Détenteur du
destin
De chacun de
tes enfants chéris
Offre-nous le
feu de la lumière
Et le feu du
foyer
Aide-nous à
reconnaitre
La plante qui
nourrit
Et celle qui
guérit
Epargne-nous la
foudre
La tempête
La morsure du
scorpion
Le doute qui
sape la volonté
Les querelles
stériles.
Nous te rendons
grâces
Sachant de
Toutes Choses
Et confions nos
destins
Dans le creux
de ta main.
A cinq pas,
toujours
A cinq pas,
Toujours
Jusqu’à la
fusion
Dans le creux
de ta main.
………………………………………………………
Rachel Excusez-moi, mais je pense qu’il y a un
malentendu. Vous, vous semblez attendre nos supposées actions pour les
transcrire dans votre roman et, de notre côté, on attend désespérément que vous
écriviez la partition pour que l’on puisse jouer la musique, si je peux me
permettre cette métaphore… Et là, je pense m’exprimer pour tout le monde, nous
sommes complètement paumés. Nous ne vous en voulons pas, bien sûr, mais on se
retrouve dans une nature sauvage inconnue, superbe, sans doute, mais où nous ne
savons pas quoi manger sans risquer de nous empoisonner, il n’y a qu’à voir
Fourmi Sach… euh… Kévin, je veux dire… qui a bien failli mourir à cause de
quelques baies rouges… On n’a pas trouvé un endroit sûr pour se mettre à
l’abri, pas un outil pour nous aider…
Matelot Mon couteau suisse, tiens, pourquoi qu’il
est p’us dans ma poche ? Si j’ l’avais, çui-là, j’vous jure…
Tancrède Matelot ! Continuez, Rachel, si vous
avez encore quelque-chose à exprimer…
Rachel Déjà, si on m’explique qui de vous ou de
nous fait ou suit…
Tancrède Bon, je vois où on en est. La question est
bien posée par Rachel. Les personnages, c’est vous et l’écrivain, c’est moi.
C’est votre histoire, ce sont vos destins, vos personnalités, vos savoirs et
vos ignorances, vos envies et vos décisions. Elle sera tissée de cela, votre
histoire collective et personnelle. Moi, je décide du contexte, des
circonstances impérieuses, de la philosophie de l’œuvre. Et encore là, suis-je
tenu par la commande de la vieille dame…
Vous vous
retrouvez dans un environnement inhabituel, mystérieux, inquiétant peut-être,
et dans un premier temps, il vous faut survivre. Pas fastoche, O.K. Mais
n’oubliez pas, vous n’êtes plus des ectoplasmes inertes : chacun de vous s’est
vu remettre une fiche personnelle, un
C.V., comme je l’appelle. Imprégnez-vous-en ! Vous n’y trouverez pas de
recettes pour franchir les obstacles, mais les qualités et savoirs personnels
et uniques qui permettront à chacun d’inventer ses recettes pour avancer. Vous
avez toutes les cartes en main. Faites-vous confiance. Soyez des gens debout,
inventifs et généreux et vous la vivrez heureusement cette histoire de Bonheur
qui se cultive dans un lieu paradisiaque. Tenez ! Juste ça ! Elle
n’est pas magnifique, elle n’est pas paradisiaque, votre île ? J’aurais pu
la vouloir de caillasse brûlante et de cactus ! Là, je comprendrais que…
Mado (bas)
R’tiens-moi, l’ Noscar, j’ vas péter une durite…
Oscar Raspire, la Mado, raspire…
Tancrède Bon, avant de vous laisser vaquer à la
construction de vos destins, c’était quoi, cette petite cérémonie, là, quand je
suis arrivé ?
Rachel Oh, pas grand-chose, monsieur Tancrède,
juste un petit moment de prière, une petite requête de soutien spirituel, pour
nous aider…
Tancrède Des prières ? Elle est bien bonne
celle-là ! Vous vous croyez dans la bible ou quoi ? Si vous croyez
qu’il va pleuvoir des pelotes de laine et des aiguilles à tricoter, des
bouteilles de pinard et des tire-bouchon, je vous préviens qu’il ne faudra pas
compter sur moi pour écrire des fadaises pareilles !
Mado Qu’est-ce qui vous va pas, m’sieur
l’auteur ? C’t’ interdit d’avoir d’ la r’ligion ? C’est pas marqué
dans les consignes qu’on a pas l’droit à la r’ligion.
………………………………………………………
F.S. Revenons aux écrits sacrés du parchemin.
- Un homme de
sagesse, le plus âgé du groupe, tiendra dans sa main le sceptre inviolable de
ma volonté et de mon infaillibilité.
Mado C’est mon Noscar ! C’est lui not’
Chef ! C’est écrit en latin su’ l’ papier navec le tampon d’ssus !
F.S. – L’homme sage, fidèlement secondé par son
épouse, présidera aux destinées de mon Peuple Elu bien aimé de Grande Terre de
Sachance.
Mado C’est moi, Mado, l’Apouse du Chef !
F.S. – Un Culte sera dévoué à la gloire du Grand
Sachant, pour le plus grand bonheur de son peuple bien-aimé. Un clergé se
mettra en place pour exercer ce Culte.
- Les deux
Pouvoirs, temporel et spirituel, œuvreront ensemble à l’éclatante destinée du
Peuple Elu de la Grande Terre de Sachance.
- Les enfants
de la Grande Terre de Sachance se conduiront en fidèles sujets de leur
Divinité, de leur Roi et de leur Guide Spirituel.
Rachel Euh, pardon, monsieur l’abbé…
F.S. Monseigneur, ma fille, Monseigneur, si vous
voulez bien.
Rachel Ah ! Pardon, Monseigneur, juste pour
bien être sûre : d’après le latin et le tampon, qui sont les fidèles
sujets ?
F.S. Quiconque du Peuple Elu ne détient ni
l’autorité temporelle ni l’autorité spirituelle, ma fille, car telle est la
volonté de Celui qui Sait, cela va de soi et cela est écrit. Nul ne saurait se
soustraire à la loi de Celui qui Sait. D’ailleurs, une cérémonie du Serment se
déroulera très bientôt…
Matelot Croix d’ bois, croix d’ fer, si j’ mens,
j’ vous la mets à l’envers…
F.S. Ne jure pas, Matelot, face au Ciel, ne
jure pas ! A cinq pas, Toujours !
Matelot Bientôt, j’aurai p’us l’droit d’cracher à
dix pas, en Grande Terre d’ Sachance ! Bon, pou’ l’ moment, y a pas eu d’
cérémonie, donc, si qu’vous permettez, j’ai rencard avec une guenon du
quartier. Alors, salut la compagnie !
Rachel Moi aussi, je n’ai pas encore prêté serment,
je suis encore libre, en vraie citoyenne républicaine Française. Donc, bye bye
la compagnie ! On y va, ami Matelot, vous me présentez votre petite copine
et on l’emmène en boite ?
Matelot Ce s’rait pas correc’, m’z’elle Rachel,
d’vant un couronné et un monsignore !
……………………………………………………
Reine Mado Plus d’ cent-trente personnes au total,
vous croyez ? Mais c’t un vrai Royaume qu’ le Ciel nous a confié !
Ah ! La gueule d’ ma garce d’ frangine !
Amiral Un vrai Royaume, Majesté ! Gloire à
vot’e Majesté !
Reine Mado Au fait, en parlant d’ garce, quoi qu’è
fait-y, la Rachtouille ? L’a eu sa soupe, c’ matin ? C’est qu’ j’
voudrais point qu’è crève avant l’heure, la p’tite crevure…
Amiral Dans son cagibi, qu’alle est,
Majesté ! L’a eu sa soupe aux orties et aux limaces, camme tous les jours.
Et j’y ai donné des fringues des marins à r’priser, qu’alle aie pas d’ la soupe
à ren fout’e d’ ses dix doigts. Pis ça l’aide à rafléchir su’ c’ qu’alle a
fait… L’ouvrage, ça nettoye la tête, qu’a m’ disait, ma mère…
Reine Mado « Chuis Française et Répub’icaine et
j’ rafuse d’ prêter sarment à un mona’que autoprocramé et d’vant un qu’a d’venu
prophète à cause d’ la diarrhée verte… » J’ vas t’ lui la faire oublier,
sa r’pub’ique, à c’te morveuse et a’ va m’ demander pardon à g’noux !
Amiral Z’avez raison, si j’ peux m’ permette,
vot’e Majesté ! Raspect et fidélité ! Vive le Roi Oscar, vive vot’e
Majesté !
(A ce moment, longue fusillade et crépitements d’armes
automatiques)
Amiral Z’entendez, Majesté ? Ca tire du côté
du village des pêcheurs. Z’ont dû vouloir faire les fortes têtes…
Reine Mado Crains ren, va, Amiral, y va les fout’ à
poil, mon Roi Noscar !
Amiral Pou’ sûr, Majesté ! C’est qu’ des
sauvages analphabètes, sans foi ni loi. A g’noux dans leurs poiscailles, qu’y
va les mette, not’ Roi Oscar ! L’ Grand Sachant veille au grain, Majesté.
Tiens, ça s’ ca’me déjà ! C’tait juste un feu d’ paille. Pou’ l’ Grand Roi
Oscar, HipHipHip Hourra ! HipHipHip Hourra !
………………………………………………………
Roi Oscar Quel beau champ d’ bataille ! Soldats,
chuis fier de vous !
Amiral Merci, Majesté. Vos soldats aussi sont
fiers d’ vous servir. Tous prêts à mourir pou’ vous et pou’ leur Reine.
Reine Mado Sainte Pissouille ! Mais y’en a…y’en
a… des tas ! Des tas d’ peaux d’ macaques ! Qu’y sont moches !
Z’avez vu camme y sont moches ? R’gardez le p’tit, là, avec sa gueule de
sournois ! Vous croyez qu’y m’détestait z’aussi, c’te ch’tiot-là ?
Roi Oscar Pardi ! C’est çui qua vous détestait
l’ p’us ! Ren qu’un tit vicelard, ‘vec ses yeux écarquillés pou’ fare
croire, l’air da ren…
F.S. Tous étaient le diable, Majesté. Celui qui
Sait Tout savait cela, bien sûr, et vous a donné la victoire. Béni soit Celui
qui Sait ! A cinq pas, Toujours !
Tous (sauf Rachel)
A cinq pas,
Toujours !
(A ce moment, un hurlement de grand singe vient du haut des
arbres, juste au dessus du groupe. Une grosse noix de coco tombe et rebondit
sur le crâne du Roi Oscar)
Reine Mado Mon Noscar ! Mon Roi Noscar !
Vite, un do’teur, un do’teur !
Amiral Pardon Majesté, poussez-vous, laissez-moi
faire.
Reine Mado Mais y faut un do’teur ! T’es pas
do’teur, toi ! Au s’cours ! Au s’cours !
Amiral Ret’nez-la, siouplait… Faites-moi confiance,
j’m’y connais en fracabosse, su’ les navires… j’en ai tant vu…
F.S. Allez-y, mon fils. Que le Grand Sachant vous
guide… Majesté, calmez-vous, Majesté, s’il vous plait. Notre Amiral va vous le
rendre, vous verrez, avec l’aide de Celui qui Sait…
Reine Mado L’en restait qu’un là-haut, qu’un !
C’est lui qu’a tué mon Noscar ! Mon Roi Noscar !!!
………………………………………………………
F.S. Vous disiez, Amiral, au sujet de ce coin de
jungle malpropre…
Amiral C’est tout simp’e, z’allez voir camme c’est
naturel. Vous v’lez gratter du dollar à la pelle, au tractopelle, même, dans
les poches des touriss’, pas vrai ? Et dans quel endroit qu’ c’est l’ p’us
facile pou’ leur y faire lâcher, aux touriss’, à vot’e avis, Majesté ?
Reine Mado Ben, chais pas, Amiral, euh… Une boutique
p’t’ êt’e, où c’ qu’on trouve des cartes postales et des coquillages-souv’nirs,
des trucs camme ça…
Amiral Une boutique de souv’nirs… HéHéHé !
Pas mal, vot’e Majesté… Et vous, Monseigneur, une p’tite idée ?
F.S. Celui qui Sait me souffle dans
l’oreille : organiser un pèlerinage avec vente d’indulgences plénières,
baptêmes collectifs dans les eaux bleues du saint volcan… Droits d’entrée pour
une courte rencontre avec Sa majesté et/ou avec le Prophète du Grand Sachant…
Enfin, voilà, mon fils, quelques suggestions…
Amiral Bien joué, Monsignore ! J’ vois qu’
les vieilles r’cettes du denier du culte et du tronc d’église ça rigole
toujours ! Mes félicitations ! J’ retiens ! J’ retiens !
F.S. A cinq pas, toujours !
Reine Mado A cinq pas, Toujours !
Amiral Pardi ! A cinq pas, Toujours !
Bon, OK les boutiques d’ souv’nirs, les pel’rinages, l’industrie du baptême et
d’ la bougie, mais après êt’e allé aux ablutions et à confesse, le pél’rin, il
a b’soin d’ décompresser, d’ s’éclater ! Et où qu’y va trouver du plaisir,
vot’e pel’rin libéré d’ ses péchés et avec son âme toute prop’e d’enfant d’
Marie ? Voulez qu’j’ vous l’ dise ?
Reine Mado Au troquet, p’t’ êt’e ?
Amiral Pas loin, Majesté ! Au CA-SI-NO !
Au Casino ! El Casino Grande de Grande Sachance, ses roulettes, ses
bandits-manchots, son Cabaret et… ses p’tits à-côtés pour touriss’ ! D’ la distra’tion ? Z’en auront autant
qu’y en faut. Nous, on en veut du dollar ben vert ? Camme les Chutes du
Niagara, qu’ ça va couler ! Et honnêt’ment gagné ! Au Paradis d’ Grande Sachance !
Reine Mado Dans mes bras, Amiral ! T’es un pur
génie !
Amiral C’est vrai, Majesté ? J’ peux lancer
les travaux ?
Reine Mado Pou’ sûr, t’y vas Amiral, rase-moi tout ça
et construis-moi mon Las Vraie Garce !
F.S. Que le Grand Sachant bénisse votre
chantier, Amiral ! A cinq pas, Toujours !
Reine Mado-Amiral A cinq pas, Toujours !
………………………………………………………
Tancrède Non, Rachel, je vous assure. Donc, pour une
raison mystérieuse, ce roman m’échappe, ces gens que je ne reconnais plus font
n’importe quoi. C’est un véritable cauchemar. Pour moi, et pour vous aussi,
Rachel, je le crains…
Rachel C’est vrai que j’ai vécu des moments très
durs. Et… Je vous en demande pardon, Tancrède, mais il m’est arrivé de vous en
vouloir… Pardon d’avoir douté de vous, Tancrède, pardon…
Tancrède Mais non, Rachel, mais non ! Au
contraire, c’est moi, je suis désolé … Et c’est pour me faire pardonner, pour
essayer de réparer, si c’est possible, que je voulais vous faire une
proposition. Voilà, comme je disais, ce que j’écris à votre sujet, désormais,
inexplicablement, ça a l’air de passer. Enfin, à peu près… Comme pour le bon
Oscar. Alors je me disais, les autres, ils s’en foutront si vous quittez pour
toujours cet endroit désespérant. Je ne sais pas, moi, sur un voilier de
passage avec un beau navigateur solitaire, et ZOU, partie pour une nouvelle
aventure, ma chère Rachel, dans un roman dont je vous promets qu’on ne me le
piratera pas !
Rachel C’est drôlement gentil, Tancrède.
Franchement, je suis touchée. Mais je ne peux pas. Je l’aime, moi, votre roman.
L’idée était belle. Alors, oui, c’est parti en vrille, quelqu’un ou quelque
chose a piraté votre travail, comme vous dites, et bien, tant pis. Advienne que
pourra ! Je veux vivre l’aventure jusqu’au bout. Même si ça doit partir en
quenouille ! Et puis, je ne suis pas une lâcheuse, monsieur
l’écrivain ! Et vous ne pouvez rien dire : c’est vous qui m’avez
faite comme ça !
Tancrède Vous êtes sûre de vous, Rachel ? On
continue, malgré tout ?
Rachel Qu’est-ce qu’il est beau votre château,
monsieur Oscar ! Si je pouvais me faire toute petite pour rentrer le
visiter…
Oscar Vous voulez qu’ j’ vous montre vot’e chamb’e,
m’z’elle Rachel ? Alle est là, en haut d’ la tour ! C’est la p’us
confortab’e ! Y a même une ch’minée pou’ l’hiver, quand y fait froid ou
quand c’est la tempête avec les
mouettes, qu’alles crient, ça casse les areilles, les mouettes !
Rachel Merci, monsieur Oscar, vous êtes un ange,
monsieur Oscar !
………………………………………………………
Amiral (Présentant à la Reine une grosse mallette) Majesté, veuillez accepter cette offrande de
par la grâce de Çui qui Sait et sous l’ regard contemp’atif et tend’e d’ vot’e
Peup’e Elu ben aimé ! (Il ouvre la
mallette débordant de billets verts.)
Reine Mado Par
Sainte Pissouille ! Du Dollar ! Une valoche d’ dollars ! Un
océan d’ dollars, un Pacifique d’ dollars !
Amiral Et pas n’importe quels Dollars,
Majesté ! Du Dollar Sachant ! La monnaie d’ vot’e Pays,
Majesté ! Ca sort tout juste des rotatives d’ la Général of Great Sachante
Royal Bank !
Reine Mado Mais y sort d’où tout ç’ta pognon,
Amiral ? C’est les touriss’ qua…
Amiral Ouèille, en grande partie, Majesté…
(A chacune des propositions qui suivent, l’Amiral jette en
l’air quelques billets. Oscar les ramasse et en fait un tas vers son château de
sable.)
Amiral Les boutiques de souv’nirs…
F.S. Bénédicité !
Reine Mado Les j’tez pas en l’air, Amiral, mes dollars
tout neufs ! Eh, touche pas ça, nabot, c’t’ à moi !
Rachel Ne craignez rien, Majesté, il les ramasse
juste. On vous les rend tout de suite !
Amiral (Continuant de jeter les billets) Le Parc d’Attra’tions !
F.S. Bénédicité !
Amiral La visite du village des sauvages !
F.S. Bénédicité !
Amiral Les taxes d’aéroport !
F.S. Bénédicité !
Amiral La visite du Palais !
F.S. Bénédicité !
Amiral La visite d’ la cathédrale, la vente d’
bougies et d’indulgences !
F.S. Bénédicité !
Amiral L’ Casino, les Cabarets, l’ bordel…
Oups ! Pardon, vot’e Majesté…
F.S. Mon fils ! Bénédicité !
Amiral La carrière d’ craie et la ciment’rie de
P’tite Terre, l’ forage d’ gaz de schiste !
F.S. Bénédicité !
Amiral L’ Port pétrolier, la raffin’rie, l’ Port
méthanier !
F.S. Bénédicité !
(Oscar, qui a fait un beau tas de dollars, reprend son avion
jouet. Il s’amuse à faire des loopings en imitant un bruit de moteur)
F.S. Le Grand Sachant bénisse votre précieuse
Majesté, la Grande Terre de Sachance et son Peuple Elu.
Tous (sauf Rachel) A cinq pas, Toujours !
Texte déposé à SAC
D
Ouvrage autoédité
déposé à BNF 2018
ISBN
979-10-97373-10-8
Illustration de
la couverture par l’auteur.
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