LIGNES DE FUITE
Un square sans attrait au milieu de
la cité des « DOMINOS ». On s’y croise, on s’y interpelle, on y plaisante, on
s’y invective.
Des enfants « farceurs », des ados
qui se cherchent un destin, des adultes qui n’ont plus rien à attendre que le
train-train des fades habitudes…
Et pourtant des braises de vie
grésillent dans tous ces cœurs. Les blessures sont vives mais des gestes de
tendresse, des larmes de bonheur ensoleillent par moments ce petit monde replié
sur lui-même.
Est-ce assez
pour retenir SAMY, le jeune poète qui voit ses rêves de couleurs pâlir dans
toute cette grisaille ?
Distribution
adaptable en fonction de la troupe. Pièce écrite à l’origine pour un groupe
d’une quinzaine de comédiens-comédiennes dont 4-5 jeunes ados (G.F.) 6 grands
ados (3G. 3 F.) 2 femmes, 1 homme .
Durée :
environ 120 minutes.
Personnages
Les « petits » :
La Petite sœur de Marco
Les quatre enfants
Les « grands » :
Samy
Sandya
Cassy
Rabiha
Marco
Simon
Les adultes :
Félicité
Kavichy
Odile
Le Chef
Les trois employés municipaux
L’homme à la fenêtre
Les danseurs et figurants
Extraits
Odile kesk’elle t’a
fait, ma merde ? Elle pue plus que la tienne, peut-être ?
Kavichy Elle m’a fait
que j’m’y suis cassé la gueule dessus, voilà c’k’elle m’a fait, et k’demain
j’vais porter plainte et k’tu vas charcler d’ici ! C’est pas un camping, ici,
c’est pas une poubelle, les clochards, y’a des ponts pour ça, t’as ka y’aller !
(Une fenêtre s’ouvre violemment, au
rez-de-chaussée. C’est Félicité qui s’en mêle)
Félicité Oh, c’est pas
bientôt fini de gueuler comme ça, y’a les gosses qui dorment, alors, fermez la
! Vous avez vu l’heure ?
Odile S’cuse moi,
Félicité, j’voulais pas… C’est l’aut’ sauvage, y m’agresse… J’y ai rien fait !
Kavichy J’ai rien fait, j’ai rien fait ! On va voir
ça demain ! Dehors, avec ton barda !
Félicité Dis donc, toi, t’as pas compris ? Y’a les
gamins qui dorment ch’te dis alors tu la boucles ou je monte te chanter une berceuse
! Si t’es pas bien, t’as qu’à boire un coup, et rêver k’t’es mort, ça nous f’ra
des vacances !
Kavichy C’est ça, profite s’en, fais ta grande
gueule, toi aussi, à la rue, tu vas t’retrouver avec ta marmaille et l’aut’
tarée en prime ! Et bon débarras !
……………………………………
enfant 1
hé ! matez ! y’a une bestiole sous
la poubelle !
les
autres kest’as vu ? C’est koi ?
enfant 2
ah ouais, il a raison, ça r’mue !
enfant 3 putain, c’t’ un rat !
enfant 4 kes’t’en sait k’c’t’ un rat ? On y voit ke
tchi, faut y’aller !
enfant 3
tu veux k’c’est koi ? Un éléphant ?
La tête de ma mère c’t’ un rat !
enfant 2 putain les rats, ça m’ débecte, ça pue la
mort !
enfant 1 sûr k’ c’est
dégueux, ces bestiaux ! ça t’fout la chtouille partout !
enfant 3 t’as raison, faut pas k’y prolifère, faut
k’on s’le tape, là, tout d’suite, pas k’y s’en va !
enfant 2
et comment k’on fait ? T’as kek’
chose pour l’attraper ?
enfant 4 rien à fout’ de l’attraper, c’k’i faut,
c’est l’crabouiller !
enfant 2 ah ouais ? Et avec koi ? A coups d’ tatanes
?
enfant 1
dans l’bordel d’la vieille, doit
y’avoir des trucs ! t’tendez, j’reviens !
( il se dirige vers le Caddy
d’Odile, y farfouille silencieusement, en retire des bouteilles vides en
plastique, les ramène à ses copains)
enfant 1 ké’j’disais ! Un vrai vide-grenier, sa
poubelle ! Putain, nous, faut pas k’on fume ou k’on picole mais eux, kesk’y
s’foutent dans la barbaque !
enfant 3
donne-nous ça, faut s’dépêcher, faut
pas k’y s’tire !
enfant 4 bon, vos gueules, faut y’aller calmos, faut
pas k’y s’affole !
enfant 1
bon, Zozo, Caby, vous faites le
tour, Sini et moi on reste de c’côté. J’compte jusqu’à trois et on s’le mange !
…………………………………
Sandya t’as d’la chance, Samy, d’rester là, toute
la journée, sans c’te con’rie d’ bahut !
Marco profite s’en, va, du bahut…Si j’avais su,
moi…
Sandya si ça t’manque, tu peux prendre ma place !
Cadeau, hein !
Marco Si tu crois k’c’est marrant, d’se traîner là
toute la journée à attendre chais pas koi… T’es encore mieux là-bas !
Sandya p’t’et’ que toi tu t’emmerdes mais Samy,
lui, il a pas l’air de s’peler, il en profite, lui, d’avoir tout son temps !
Pas vrai, Samy ?
Samy Ben, c’est chacun son truc… Moi, comme j’ai
plein d’choses à gamberger, c’est vrai k’chuis mieux là mais c’est pas l’
nirvana pour autant…
Sandya si y’avait une meuf avec toi, sur tes cubes,
ça s’rait p’t’et’ moins pire…
…………………………..
Kavichy pis d’abord, ça vous regarde c’ke j’fais
chez moi ? On a plus l’droit d’boire un verre sans s’faire insulter par des p’tits
cons ki s’fument des pétards du matin au soir ? C’est l’hôpital ki s’fout d’la
charité ! Mais kesk’y z’attendent pour m’mettre tout ça au boulot ! A la
chaîne, chez Renault, et à coups d’pieds au cul, encore !
Félicité (réapparaissant à sa fenêtre) mais kesk’il a
encore à gueuler çui-là ? Tu t’es encore levé du pied gauche ?
Kavichy j’ai k’j’en ai marre de me faire insulter
chaque fois ke j’mets les pieds dehors ! Vous avez rien d’mieux à faire ke
d’emmerder les gens ? Vous savez c’ke ça veut dire, le respect des autres ?
Félicité ça, mon p’tit monsieur, pour être respecté,
faut d’abord être respectable !
Kavichy respectable ? C’est toi qui parle d’être
respectable ! Toi, ki’a pas un gosse du même père ? C’est à crever de rire !
Félicité ah oui, tu veux rire ? Attends, j’arrive !
Ah ! Mon salaud !
………………………………
Kavichy chuis p’t’et’ un égoïste, mais j’ai
pas largué des minots dans la nature à la charge de la société, moi !
Félicité y sont pas largués dans la nature, mes
petits, y sont avec leur mère et c’est pas toi ki les nourris, k’je sache !
Kavichy mais ! bien sûr ke si, c’est moi ki les
nourris ! Avec mes impôts ! Paske j’ paie des impôts, moi, madame ! Pas comme
d’aut’ ki ramassent le maximum sans jamais rien payer !
Félicité toi tu paies peut-être des impôts, mais
c’est tout c’ke tu fais pour la société ! Moi, la société, j’la construis tous
les jours, en élevant mes enfants !
Kavichy koi ? J’fais rien pour la société, moi ? Redis-le,
k’j’ai rien fait pour elle ! Et la guerre, c’est toi ki l’a faite la guerre
peut-être ?
Félicité koi, la guerre ? Ah, pask’en plus, t’es fier
d’avoir été casser la gueule à des gens ki voulaient vivre tranquille chez eux
? Et tu voudrais k’j’en fasse autant moi aussi ? PAN ! PAN ! PAN ! Sur tout
c’ki bouge !
Kavichy chais pas si y faut êt’ fier ou pas, en tout
cas, j’ai risqué ma peau pour la patrie, tout l’monde peut pas en dire autant !
Félicité et moi, chaque fois k’j’ai fait un gosse,
j’ai risqué ma peau aussi ! Pour donner la
vie !
T’entends, pour donner la vie !
Kavichy tu veux pas aussi k’on t’file une médaille,
pour t’remercier d’avoir passé ta vie à écarter les guiboles, non ?
Félicité j’ai p’t’et’ écarté les guiboles toute ma vie
avec plein d’mecs, mais ça risque pas k’ça soye pour ta gueule !
……………………………………
P’tite Sœur dis, Marco, tu leur as d’mandé,
pour mon rat ? Personne l’a vu ?
Marco J’ai d’mandé, ma chérie, personne l’a vu
encore…
Samy Si j’le vois… promis, j’t’appelle…
Odile t’inquiète, ma belle, tu vas trop lui
manquer ! Y va vite revenir !
Kavichy ton rat tu cherches? A la poubelle, il est
ton rat, tout aplati ! Tes chers copains ki’ont fait ça !
Marco (se levant brusquement) Enfoiré ! Sale type
! T’ar’ ta gueule !
(Il va sauter
des cubes pour casser la gueule à Kavichy, les autres le retiennent puis tout
le monde se retire)
………………………
Sandya pourkoi tu veux k’y s’en aille, Samy ? Il
est bien ici, il y est né, il a k’des amis, tout l’monde l’aime…
Rabiha tout l’monde l’aime… surtout une ! ki le
reluque avec des yeux de merlan-frit ! Mais ki fait comme si y’avait rien !
Sandya pourkoi tu m’dis ça ?
Rabiha on est copines d’accord ? Alors j’te parle
franchement : Tu l’veux, ton Samy ou koi ? Tu veux k’y reste ici avec toi ou
pas ? T’as envie k’ses chansons y les écrive pour toi au pas ? T’as envie k’y
t’fasse des marmots k’y’auront ses grands yeux d’poète ou pas ? Alors, si tu
veux tout ça, y’a k’un truc, tu le choppes entre kat’z’yeux, tu lui roules un
gros patin d’salope et tu lui dis « je t’aime j’te veux » ! Et là, il est cuit,
il est à toi, y bouge plus d’ici !
Sandya tu crois k’c’est facile, toi … c’est sûr y
m’plait, j’pense k’à lui tout l’temps, le reste j’m’en fous, y’a k’lui ki
compte, mais tu m’vois heu… : « Dis, Samy, euh…faut kch’te dise un truc
euh…voilà euh… ch’taime, euh… j’veux k’on reste ensemble euh… ! » C’est débile,
j’y arriverai jamais, j’aurai l’air d’une conne, y va s’fout’ de ma gueule !
Rabiha Si y s’fout d’ta gueule, c’est k’c’est k’un
con et tu laisses béton, c’est pas grave, mais il est pas comme ça ! Samy c’est
un mec bien…S’il est pas d’accord, y t’le dira gentiment, mais ça m’étonnerait,
chuis sûre k’Samy, il attend k’ça, k’tu lui dises !
Sandya kest’en sais ? Y t’a fait des confidences ?
T’es sa mère ? Pis d’abord, si y m’aime, pourkoi y fait pas l’premier pas ?
C’est au mec, normalement…
Rabiha Ah oui, paske tu crois encore à ces con’ries
! En tout cas, Samy, sûr k’c’est pas lui ki va te harponner comme ça,
PPPPFFFFTTTTT, « Par ici ma cocotte ! ». Toi et lui, ça peut durer cent ans à
s’reluquer sans rien oser dire ! Si tu veux k’y’ait kek’chose entre vous, c’est
à toi d’y aller !
Sandya putain, mais j’y arriv’rai jamais ! J’ai
jamais fait…
Rabiha t’es vraiment nunuche, hein ! T’sais koi, j’vais
t’montrer !
Sandya kestu veux m’montrer ? Chuis pas lesbienne,
moi !
Rabiha ça tombe bien, moi non plus ! Juste, on va
s’faire une repet’, comme au théâtre, trouver les mots k’tu vas lui dire !
Sandya paske tu sais faire ça, toi ?
Rabiha disons k’j’ai d’l’imagination…Bon, on y va ?
Y’a pas d’temps à perdre et pis y’a personne pour nous gêner…
Sandya PPPFFFFFFF ! Bon, ben voilà, euh… Samy, euh,
tu veux pas k’on fasse « crac-crac » tous les deux ? Ça va comme ça ?
Rabiha ouais…ben y’a du boulot, hein ! Bon, on
commence par l’début. Tu prends ton sac, tu fais l’tour par là et tu reviens et
OH ! Chouette ! Ki c’est k’est su’ l’banc ? Samy, le beau Samy, le grand Samy !
C’est à dire moi ! Allez, Zou, on y va !
……………………………
(Odile, fébrile
à l’extrême, ouvre un bout du carton, pénètre dans et ressort plusieurs fois de
sa « maison », vient récupérer peu à peu tout ce qui lui appartient et en
remplit sa nouvelle demeure. Samy la regarde faire, amusé)
Odile ah, dis-donc ! J’aurais pas pu trouver mieux
!… y’a tout ki rentre et y’a encore de la place ! …j’te jure, j’peux même
inviter kelk’un et faire la fête !… t’as vu, Kiki, y’a une place pour toi
su’l’buffet ! Avec ton p’tit lit dans l’coin ! …ah, non, pas là, ce s’ra la
salle d’eau… tiens, ici, si on pousse le sac… voilà ! On est installé !
kes’t’en dis ? Hein, Kiki, ça t’plait ? Oui, t’as raison, ça manque un peu de
lumière… attends, on va arranger ça… dis, Samy, on pourrait pas faire une
petite fenêtre, là, pis une autre, là, tu vois, comme ça j’pourrai…
Samy Vos désirs sont des ordres, Majesté ! Y
suffit de d’mander … Où tu les veux, tes baies vitrées ?
Odile là ! Et l’autre ici, une dans la chambre et
l’autre dans la salle à manger ! Et une au plafond, pour la nuit…tu comprends,
la Grande Ourse, pour Kiki…
Samy no problem, m’dame… “Que la lumière soit! »
(Avec son
canif, il pratique trois ouvertures selon les désirs d’Odile. Puis il prend un
peu de recul, la tirant par le bras)
Samy c’est beau, chez toi, Didile ! On dirait un
p’tit Versailles, y manque plus k’les jets d’eau et les cygnes !
Odile ça viendra, Samy, ça viendra, si Dieu le
veut…
………………………………………….
Marco on arrose rien…juste envie d’profiter un
peu… comme bientôt on s’ra plus là, avec Samy… alors, comme y fait beau…
Sandya comment ça, on s’ra plus là ?
Marco ah oui, t’sais pas…avec Samy, on a décidé
d’aller voir un peu ailleurs…sûr k’on pourra faire plein d’choses, là-bas…on va
s’la manger comme ça, la vie ! Pas vrai, Samy ?
Samy sûr ! On va s’trouver des vrais musicos, une
vraie Prod’, et surtout le public, koi ! Paske du public ki’aime la chanson,
ça, y’en a, suffit d’y aller, koi !
Simon putain ! Y vont s’les met’ à g’nou ! T’vas
voir !
Samy j’vais leur écrire les méchantes chansons !
Même pas y savent k’ça existe ! Dix par jour, j’leur en sors ! J’ai trop
d’choses à raconter…
Marco moi, chuis son Agent ! Toutes les téloches,
jui fais faire ! Et les concerts ! Y’a pas assez d’jours dans l’calandrier !
Parole ! Les dollars, on s’les fait en salade matin midi et soir !
Rabiha ben dis-donc, pour une nouvelle, c’est une
nouvelle ! Kest’en dit, Sandya ?
(Celle-ci
reste muette, statufiée)
Simon ça va couler à flots ! On va tous s’les
niquer ! Moi, j’vous r’joindrai, hein ? J’prendrai la caisse de mon vieux !
Putain ! La Grande Evasion !
Rabiha ah ben ! T’auras l’air fin avec ta Renault
16 de l’époque des dinosaures au milieu des Porsche et des Ferrari !
Simon toi, tu peux t’fout’ de moi ! T’as même pas
un vélo !
Marco d’toute façon, kant’on aura réussi, on vous
invit’ra dans not’ méga-Palace ! Pas vrai Samy ?
Samy bien sûr k’tout l’monde viendra ! Le
soleil, ce s’ra pour toute la famille ! Tous autant k’on est !
………………………………..
Sandya c’est vrai ?
Samy c’est vrai koi ?
Sandya c’k’y dit Marco, k’tu vas partir…
Samy oui oui, c’est vrai ! C’coup-là, c’est
décidé, on y va ! Lui et moi c’est pareil, on peut plus rester là, faut k’on
aille voir ailleurs…
Sandya keskia, là, ki’è pas bien, k’y faut k’tu
partes ? Y’a l’feu ?
Samy y’a pas l’feu, Sandya, y’a pas
l’feu…y’a l’vide ! Le vide ! Tu comprends ?
Sandya ah non, j’comprends pas ! kel vide ? On est
pas là, nous ? chuis pas là, moi ? Tous les gens d’la cité, ça existe pas ? On
est k’des zombies, on compte pas pour toi ?
Samy j’dis k’c’est l’vide paske moi chuis un
poète, un artiste, et k’j’ai b’soin k’on m’écoute, k’on fasse attention à c’ke
j’dis, à c’ke j’pense, et k’ici, personne en a rien à foutre, j’ai l’impression
de vivre avec des sourds, j’ai beau dire dans mes chansons k’on pourrait faire
autrement, k’on pourrait mettre un peu d’soleil dans tout ça, vous continuez à
faire comme si on était dans une poubelle, comme si on pouvait pas faire
autrement ke d’s’essuyer les pieds sur la gueule des autres ! A longueur de
temps, c’est k’des engueulades, des insultes, d’la bêtise, bien grosse, bien
grasse ! C’est à ki f’ra le plus de mal à l’autre, pondra le plus gros caca !
Y’a encore pas longtemps ça m’f’sait marrer, tu vois, comme à Guignol, les
gentils, les méchants, mais là, j’en ai marre, d’ viv’ ça en permanence, ça
m’dégoûte, c’est moi ki’ai l’impression d’être un zombie dans votre histoire !
Sandya tu dis « vous » comme si j’étais comme tout
l’monde…
……………………………….
Cassy je m’appelle Cassy… j’étais là, sur le
banc…Kes’ vous faites ?
Simon devine !… on fait des graphes… faut leur
montrer qu’on existe…
Enfant 1 pis, on a l’droit d’s’exprimer !
Cassy j’suis d’accord avec toi, tout l’monde a
l’droit de s’exprimer ! … C’est koi, « Shaarky » ?
Simon c’est mon nom d’guerre ! Y’a k’nous ki
l’sait ! J’le tague partout ! S’sont bien obligés d’le voir !
Enfant 3 même k’la Mairie, y paient un gus exprès pour
effacer ses graphes ! Et nos trucs avec !
Simon entre eux et moi, c’est la guerre ! Y
z’aimeraient bien m’prend’ sur le fait, y z’ont jamais pu !
Cassy j’trouve ça passionnant, vot’ démarche,
montrer k’ vous existez en dessinant sur les murs, ça m’plairait bien d’le
faire un peu avec vous ! Vous m’faites une p’tite place ?
Simon pourkoi, t’sais faire ça, toi ?
Cassy un peu, je suis peintre…entre autres…
Simon ah, oui, t’es peintre, toi ? T’sais, nous,
les peintres…on fréquente pas trop…
Enfant 1 laisse-la
faire, Simon, si ça s’trouve, elle touche sa bille…
Simon bon…si ça peut vous amuser… t’veux une bombe
? J’te préviens, on a k’du noir !
Cassy j’vois ça, ça fait un peu tristounet… mais
t’inquiète pas, j’ai tout c’ki faut !
(Elle dépose
son sac à dos par terre, l’ouvre)
Simon eh ! Traîne pas trop, j’ai pas envie de
m’faire chourer !
Cassy t’es un anxieux, toi ! N’aies pas peur, moi
non plus, y m’ont jamais prise !
…………………………………….
Simon tu t’tires ? Mais Marco y m’a dit k’c’était
annulé ! Plus tard, k’y m’a dit !
Samy c’est vrai…Marco, y viendra plus tard…mais
moi, j’peux pas rester plus longtemps, j’sature, là… les salades, les prises de
tête, la médiocrité k’on nous impose tous les jours… de l’air ! De l’air !
Simon mais t’sais même pas où tu vas ! Y’a
personne avec toi !
Samy chuis pas tout seul, Simon… j’pars avec une
nénette super… elle m’est tombée comme ça… j’veux pas la rater…
Simon une nénette… tu veux pas dire k’toi et…
Samy si ! J’pars avec Cassy. Elle veut
m’faire connaître son monde, un vrai monde, comme je rêve…
Simon putain, c’est pas possible ! Tu t’casses
avec elle, comme ça… et nous, kesk’on d’vient ? On est k’des cloches ? Et moi ?
J’devais vous rejoindre toi et Marco ! J’devais aller là-bas, moi aussi,
rappelle-toi !
Samy plus tard, Simon, plus tard, p’t’êt’…
Simon mais c’est pas juste ! Tu peux pas t’tirer
et me larguer, là…
………………………………
Samy m’en veux pas, Simon… chuis décidé… c’est ma
vie… mais c’est promis… dès k’c’est possible, j’te fais signe… promis, Simon,
promis…
Simon allez,
ça va… j’ai compris… j’ai compris…
(Il se lève
soudain, se colle face aux cubes et les martèle de coups de poings en hurlant)
Simon …chier ! chier ! chier ! merde ! ‘culés !
‘culés ! ‘culéééééés !
(Bouleversé,
il tombe à genoux à côté des cubes. Samy s’accroupit à côté de lui, le serre
dans ses bras.)
Samy allez,
allez, mon grand, m’en veux pas, mais y faut, tu comprends, y faut… dès k’y’a
du neuf…c’est promis… c’est promis, Simon, c’est promis… tiens, passe-moi ta
bombe…
(Machinalement,
Simon donne sa bombe de peinture à Samy. Celui-ci écrit sur les cubes : «
Mon étoile m’appelle. Je vous aime. A bientôt. Promis ! Samy ». Il rend la bombe à son copain.)
Samy y vont pas l’effacer dans la nuit, j’espère…
allez, Simon, faut k’j’y aille… à plus, vieux frère…
Simon c’est ça, à plus… à plus…
Texte déposé à SACD/SCALA
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