Publié aux éditions Fibres du Monde en février 2012. 8 euros
TROIS P’TITS COQUELICOTS
Distribution : 2 femmes 1 homme (Déjà mis en scène avec 1 femme 1 homme)
Durée : environ 60 minutes.
Personnages
BÛCHETTE
MARIE-HELENE
GILDAS
Extraits
Bûchette Écoute-moi bien, Môssieur Gildas. Les cannibales, là- dehors, y m’ont perdue dans le quartier. Ils savent bien que je suis dans une de ces maisons. Ils vont tournicoter toute la nuit, plusieurs jours s’il le faut. Si je mets le nez dehors, il va pleuvoir du plomb, bien serré. Et pour ça, j’ suis un peu jeune, j’ai d’autres plans de carrière, tu vois. Alors, comme t’es un gentil pépère tout seul… Au fait, t’es seul ici ?
Gildas Ça ne vous regarde pas.
Bûchette Réponds !
Gildas Je suis seul.
Bûchette J’ veux en être sûre. Montre-moi. Allez, debout. Fais-moi visiter ton petit Versailles. Et pas d’entourloupe, hein !
(Ils se dirigent côté cour vers la chambre, y pénètrent, réapparaissent.)
Bûchette Ben dis donc, ça incite pas à la galipette.
Gildas Je vous en prie…
………………………………..
Gildas Comment ça, c’est tout ? C’est un peu fort, tout de même !
Bûchette Silence, nom de Dieu !
(Les chiens se remettent à aboyer, la voiture repasse)
Gildas (Il se lève, se dirige vers la porte d’entrée)
Je vais leur dire, que vous êtes là…
Bûchette (Saute sur Gildas, lui colle son arme sur la tempe) Chiche ?
(On n’entend plus la voiture, les chiens se taisent, Bûchette relâche Gildas, lui balance une baffe.)
Bûchette Refais jamais ça, triple con, refais jamais ça. Pourquoi t’as fait ça ? Tu voulais me donner ?
Gildas Je voulais… Je voulais effacer un mauvais rêve. Remettre les choses en ordre !
…………………………………
Gildas Qu’est-ce que vous en savez ? Comment pouvez-vous savoir ce qu’il y a à l’intérieur ?
Bûchette Mon bon vieux ! Y’a qu’à te regarder, avec tes yeux de chien battu, ta p’tite maison bien propre, ton p’tit mur des lamentations, son pot de fleurs, sa bougie, ses regrets éternels…
Gildas Ça, ça n’a rien à voir. C’est un autre monde, vous ne pouvez pas comprendre. N’y touchez pas…
Bûchette Faut jamais me dire de ne pas toucher à quelque chose. Ça m’excite, ça m’inspire, je fantasme. Chut !
(Moteur de voiture, aboiements.)
Bûchette ( A voix très basse) Y z’ont de la suite dans les idées. Tu sais, elle est très belle.
Gildas Qui ça ?
Bûchette (Désignant la photo) Elle.
……………………….....
Gildas Mes papiers, mon argent, mes clés…
Bûchette On verra ça demain. T’en as pas besoin pour faire ton gros dodo ? Oublie pas la couverture.
(Gildas disparaît côté cour et revient avec une couverture.)
Gildas C’est tout ce que j’ai…
Bûchette On fera avec. Merci quand même. Bonne nuit, gros Nounours.
Gildas C’est ça, bonne nuit. Au fait, c’est quoi, votre prénom ?
Bûchette On m’appelle Bûchette, dans l’ bastringue.
Gildas Bûchette ! C’est pas un prénom. Pourquoi on vous appelle comme ça ?
Bûchette Paraît qu’y en a pas deux comme moi, pour les tailler, les « bûchettes » !
………………………………………….
Gildas Elle peut pas ranger son bordel, celle-là ! Hé ! Vous avez bientôt fini sous la douche ? N’oubliez pas que le cumulus ne contient que cent litres. J’aimerais bien avoir de l’eau chaude, moi aussi. Et puis, c’est quoi, ces hurlements ? Vous n’avez plus peur qu’on vous entende ?
Bûchette C’est bon, j’ai fini. Ferme les yeux pépère, ou tu vas te griller les rétines à mes radiations.
Gildas Prétentieuse, va.
Bûchette (Apparaît en peignoir, une serviette entourée autour des cheveux.) Alors, déjà à ronchonner ? L’est tout grognon le bichou à sa mémère ? Allez, assis-toi, va, je vais t’amener ton café. Il doit en rester un fond.
Gildas Mademoiselle est trop bonne.
Bûchette Ça, on me l’a souvent dit, professionnellement parlant…
Gildas Bon, on va le savoir.
………………………..
Bûchette
(Lisant la lettre) …J’aimerais qu’on aille ensemble au cinéma, au
spectacle, qu’on aille prendre l’air au bord du lac. Ca nous ferait du bien à
tous les deux, j’en suis tellement persuadée. Mais il n’en est pas question. Il
n’a pas le cœur à sortir et, dit-il, il n’aurait pas la patience de supporter
ce qu’il appelle mes « jérémiades ». Alors nous restons là, dans cette maison
triste où l’on n’écoute même plus de musique et où nos ombres se croisent en
silence… J’ai essayé de le raisonner, de le convaincre que c’était un accident,
que la prochaine fois il réussirait, que j’avais confiance en lui, rien n’y a
fait. J’ai même senti dans son regard et dans sa voix qu’il m’attribuait une
part de responsabilité dans son échec. Et si… L’ai-je assez encouragé, ne lui
ai-je pas fait perdre du temps et de l’énergie avec ma santé qui se dégrade…
Bûchette Ça fait longtemps qu’elle a dévissé ?
Gildas Ça fera dix ans. Dix ans le deux juin, la Sainte Blandine. En martyr, elle aussi.
Bûchette Comment ça, en martyr ?
Gildas Par pitié…
Bûchette (Lui versant du vin, dont il boit quelques gouttes du bord des lèvres.) Laisse- toi aller, va, crois en mon expérience, ça soulage, les confidences. C’est comme pour le rhume, faut se moucher de temps en temps, on respire mieux. Elle était malade ?
Gildas C’est cela, c’est cela. Elle était très malade. Les nerfs, la tête. On a vu des docteurs, des professeurs, la médecine n’y pouvait rien. On lui faisait croire que ça irait mieux, elle avait des traitements. Mais elle souffrait beaucoup quand même.
……………………………..
Bûchette
Tu lui avais fait du mal ?
Gildas
Du mal ! Mon Dieu,
comment lui aurai-je fait du mal ? Non, je l’ai juste un peu grondée, avant le
repas du soir. Elle se montait la tête, encore une fois, sur un homme qu’elle
avait croisé et qui, disait-elle, ressemblait à un acteur de cinéma. Depuis
quelques jours elle ne pensait qu’à ça et elle ne pouvait ouvrir la bouche sans
parler de ces deux hommes qu’elle confondait. Ça la rendait à moitié folle,
Dieu sait pourtant que je n’aime pas employer ce mot, mais c’était ça, elle se
levait en pleine nuit en criant le nom de cet acteur, elle attendait le facteur
dix fois par jour lui apportant un courrier imaginaire.
Je l’ai grondée et je lui ai fait prendre ses
gouttes…
Marie-
Hélène Elle n’a pas crû mal
faire, je t’assure.
Gildas
jeune Ça suffit.
Qu’est-ce que tu tiens dans les mains ?
(Elle tend timidement le livre à Gildas.)
Gildas
jeune C’est ta nouvelle
marotte ? On entre dans l’ère Sinatra, maintenant ? A quand les portraits, les
posters de Môssieur Sinatra ? Peut-être dans la chambre conjugale, à la place
de notre photo de mariage ?
Marie-
Hélène Gildas, je
t’en prie…
Gildas
jeune Peut-être va t’on
mettre à la poubelle toute la collection de Bach et de Mozart et qu’on va
s’offrir l’intégrale de Môssieur Sinatra ?
Marie-
Hélène Gil…
Gildas
jeune Tais-toi !
Tais-toi ! Qu’est-ce que tu t’imagines ? Que je suis un moins que rien, que je
vais laisser ma maison se couvrir des images de ce Môssieur ? Que je vais laisser
l’esprit de ma femme parasité par l’existence de ce funambule ?
……………………………..
Gildas
Sale punaise. J’en étais sûr, vous
avez osé !
Bûchette
Tout doux, bonhomme,
tout doux. T’aimes pas les chansons de Franky ? Ca te rappelle des choses ?
Gildas
C’est une profanation, vous n’avez pas
le droit !
Bûchette
J’t’avais prévenu qu’il fallait rien
m’interdire. C’est plus fort que moi. Mais là, j’ai eu le nez fin, y sent pas
la rose, ton petit jardin secret.
Gildas
Mais qu’est-ce que vous allez croire ?
Tous ces mots, dépourvus de sens ? Ces élucubrations ? Je vous croyais plus
intelligente.
Eléments de décor de la pièce jouée par l'auteur et Virginie GROS, en déc.2012 au Théâtre Le Carré 30 Lyon 1er. |
Texte déposé à SACD/SCALA
Illustrations D.M.
Cette pièce est lisible partiellement en cliquant sur:
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