samedi 30 juillet 2011

Conte philosophique - VIVE POUSSIERE




Le livre artisanal illustré et réalisé par l'auteur.




VIVE POUSSIERE


Drôle de récit métaphysique dans lequel l’auteur nous narre la rencontre entre une gamine hyper-sensible et aventurière et un vieil homme désespéré. Rencontre par delà le temps, au travers de quelques grains de poussière. Et tout cela parce qu’il existe, enfouie au cœur de la matière, une dimension de Conscience Universelle.

Conte philosophique. Illustrations de l’auteur. 92 pages.


Extraits


La petite fille se faufile rapide entre les buissons et les grands arbres voutés. Malgré qu'elle les sache redoutables et sans pitié, malgré sa façon de se déguiser en courant- d'air, elle n'échappe pas aux griffes stupides, bêtement méchantes des ronciers.

A croire qu'ils sont l'ossature du monde!

Ça la retient aux cheveux, aux chevilles. Elle tire un bon coup, ça finit par la lâcher, à regret. Un peu fiérote, même, la gamine, de son courage, de ces larmes qui ne font même plus mine d'humecter ses grandes perles bleues.

Du courage, elle en est blindée! Puisé directement à l'indéfectible présence du gros labrador qui l'accompagne, qui l'entortille dans les entrelacs de sa déambulation de renifleur fou. Puisé aussi au bois dur et épais du manche du marteau qu'elle tient serré fort fort au fond de la profonde poche des son jean de garçon manqué.
Avec ces deux-là, sûr qu'elle osera. Aujourd'hui, oui, elle osera!
Et elle saura!
………………………………….

La Vie!
La Vie!
La Vie est un immense Pays de menthe et de soleil. Boire piquant, s'enivrer de fraiches odeurs, mordre au cœur des pommes au sucre, s'encoller le bout du nez et de la langue aux moellosités de la barbapapa. Plonger en hurlant dans les glaciales embrassades d'une chute d'eau vive, filer, transpercée de vibrations rayonnantes, à la folle course de la moto de papa, cramponnée à pleines mains au cuir fauve, tournebouler, pattes et jambes empêlemelées, avec le gros chien noir sur la pente d'un talus d'herbe grasse, riant, jappant comme des possédés…
…………………………………

Le vrai monde, avec ses continents inconnus, insoupçonnés même, avec ses personnages terribles et féériques, avec ses larmes de diamants et ses sourires d'or fin, avec ses océans rugissants qui happent de leurs bras liquides les étoiles trop proches et trop naïves, le vrai monde, avec ses oiseaux de pur esprit et ses serpents ensorceleurs, avec ses tribus de petits hommes dispensés des lourdeurs ordinaires, le vrai monde ouvre grand ses portes aux enfants clairvoyants.
……………………………………….

Que savent-ils du monde, les grands, puisqu'ils ne sont pas restés enfants assez longtemps! C'est qu'il en faut, des vies et des vies d'enfant, pour ouvrir toutes les portes!
…………………………………..

Elle va quand-même pas l'attacher à une chaise. L'obliger à faire des dessins ou à tourner en rond dans le petit jardin. Et puis c'est les vacances, faut lui lâcher un peu la bride, la laisser respirer. Oublier un peu les si durs moments de l'année scolaire. Les tensions des derniers mois, ces convocations à l'école, toujours ces problèmes de discipline, d'inattention pendant les cours, de résultats médiocres, de punitions, de révolte, de bras de fer. Et pourtant, elle l'aime, cette petite, ce petit diable ébouriffé, avec ses grands yeux si profonds, si rieurs, si malins, avec son grand cœur ouvert au chagrin, à la détresse, avec sa façon de vous faire des petites surprises fraiches, généreuses. Comme elle l'aime, comme elle l'aime!
……………………………………

Après tout, tu as raison, petite, va te promener avec ton chien, va faire tes jeux de piste avec lui dans le bois, va nous cueillir des mûres desserts, des mûres éclaboussures, des mûres noir-à-lèvres, des mûres d'amour simple. Amuse-toi, sois heureuse, Mon Cœur, sois heureuse!
………………………………………..

L'homme était arrivé voilà quelques années, cinq, six? Personne n'aurait su dire exactement. Sac à dos, un soir d'orage méchant. L'avait bu un bol de lait chaud. Lentement, que ça pénètre bien partout, jusque là où ça reste toujours froid, comme du marbre. Dans l'bistro, on y avait juste jeté un coup d'œil de biais, comme à un chien dans une église, pas de méchanceté, d'ailleurs, juste pour jauger la bête, on sait jamais avec les étrangers...
……………………………………..

On l'avait revu qu'un bon mois plus tard, pour la Foire. L'avait acheté quatre jeunes poules rouges et un gros pain de seigle. La patronne du bistrot l'avait reconnu :

« -Tiens, les chauve-souris vous ont pas mangé?

- les vieilles carnes, vous savez... ». Et il avait repris le chemin du bois.
…………………………………………………

« -C'est pas juste, c'est dégueulasse! ».
C'est son mot. Son « Stop! », son « Ça suffit! » à elle. En malpoli, en sauvageonne, en vulgaire, en insupportable bébé grognonne, en infréquentable, en ingérable, comme on se plait à la définir. Par exemple sa maîtresse de l'école:

« -Qu'est-ce qu'elle est malpolie, cette gamine! Ça promet pour plus tard! Si elle parle comme ça devant un patron... ».

« -C'est pas juste, c'est dégueulasse! ». Tout ce qui la blesse, tout ce qui la froisse. Tout! Et ça en fait, du pas juste et du dégueulasse!

Elle en voit partout. Chez les adultes, chez les enfants, ses camarades, mille fois par jour à l'école. Rien ne passe, à croire qu'on fait exprès pour l'écœurer, pour la faire pleurer. Ils savent pas quoi inventer pour pourrir le monde! Pour le rendre laid, imbécile, débile!
…………………………………..

Alors elle s'emporte, elle insulte, elle frappe, elle balance des coups de pied, des baffes, des mots de granit, des mots de ronces, des mots de cœur outré, révolté.

Et s'abattent les blâmes, les punitions, les lignes cent et cent, les rappels au Règlement, les menaces, les menaces de menaces...

Et elle se blinde, la petite, et elle se redresse, et elle les regarde de toute sa fierté, et elle refuse de baisser les yeux, jusqu'à ce qu'ils brûlent, alors les larmes lui viennent, de brûlure bien sûr, mais aussi de détresse, d'incompréhension, d'écœurement. Et elle y va, dans le coin, comme on le lui ordonne. En maugréant, en serrant les dents, en griffant l'univers de sa révolte :
« -C'est pas juste! C'est dégueulasse! ».
……………………………………….

Cette dimension de conscience qui demeure en germe dans chaque grain de matière et se tricote intimement aux autres paramètres de l'Univers, fleurit en ondes rayonnantes dans le Vivant. Pour qui sait l'entendre, la symphonie de la conscience universelle jaillit en notes lumineuses, en gerbes colorées, en dégoulinades fraiches, en brumisations vivifiantes, dans le moindre balbutiement de germination. Une musique patiente, forte et sereine, irradie des êtres les plus simples aux plus complexes. Il ne se constitue pas une amibe, un fragile brin d'herbe, un frêle insecte, une vibrillonnante libellule, il ne se développe pas une colonie de lichen, un banc de plancton, une irisation de cellules primaires, un filet gluant d'algues, il n'éclot pas un spore, une poussière de pollen, une trace subtile et envoutante de phéromone, sans que s'étoffe, se densifie, s'illumine, s'affine, l'or de la conscience.
……………………………….

L'Homme s'est vu confier, offrir en charge, en responsabilité, l'émancipation, le déploiement à ciel ouvert, de cette force de générosité et d'amour vivant. Il est l'être par qui l'Amour se veut regarder Aimer. Par qui le monde se sait monde vivant.
………………………………….

Je ne traine ma carcasse depuis des ans et des ans que dans cette idée-là et cela me ronge. Me détruit. Mon cœur est plaie ouverte. La honte, le dégoût que m'inspire ma propre appartenance à l'humanité, le sentiment omniprésent de participer, du seul fait de mon humanitude, à un crime contre la Nature, contre la Vie, le sentiment, aussi, d'avoir concouru à transformer un espoir de Symphonie Universelle en criailleries et grondements infernaux, tout cela, je ne puis plus le supporter et j'ai décidé de soulager ma chère planète du poids de ma présence et de rendre un peu de conscience usurpée à la virginité de son enveloppe de matière dévivifiée.
Je n'ai personne au monde. Il y a longtemps que je ne me donne plus, comme seuls compagnons, que ces braves bêtes de poules, de chats et autres petits cœurs purs qui, sans le savoir et sans prétention, innocemment, sont la vraie beauté de la vie.
………………………………………….

Je sais, je le reconnais avec plaisir, sincèrement, que parmi les humains, il se trouve des milliers, des millions de gens beaux comme tout, scintillants, généreux, ouverts, fraternels, protecteurs, combatifs, debout.
Je sais que des mères s'interposent, que des hommes se dressent, que des idées germent et murissent pour des moissons d'utopie. Je sais.
Ce sera ma consolation.
Je sais. Mais je crois le combat perdu.
Je ne suis plus capable que de souffrir et de pleurer.
Je ne veux plus être un homme. »









Le labrador a horreur de cet endroit-là. Depuis la première fois. Lui, il se régale dans les fougères tendres ou au bord de la rivière, à plonger, électrisé, à la chasse aquatique aux ragondins. Il aime tant la fraicheur, s'humecter la truffe aux tendresses végétales! Mais ces ronces! Mais ces griffures. Mais ces branches raides qui vous visent aux yeux et vous accrochent méchamment les oreilles!
……………………………………

Depuis qu'elle est tombée sur cet entremêlas de squelette d'arbre mort, de pierrailles oubliées et de ronçailles hirsutes, la petite fille ne pense qu'à cela. Un lieu magique, un lieu maudit, un lieu promis. Le Lieu! Le Centre du Monde! Le Mystère du Monde se cache là! Évidence! A elle offert, rien qu'à elle! Elle a même fait promettre au chien de tenir le secret! A la vie, à la mort! Si tu mens, tu vas en enfer!
……………………………………

La voilà collée à la porte sèche. Un regard, comme pour surprendre la mesure de l'Inconnu, au travers des vitrages brouillés qui ne laissent rien passer, un petit sourire en coin qui raille:
« - vous pouvez toujours la faire, votre toile d'araignée toute grise, toute que rien pas même la lumière elle passe, j'vais vous l'ouvrir c'te porte, et vous servirez plus à rien, avec vos mouches crevées que même pas j'en ai peur, des mouches et de la peste qui mijote dans leur boyaux tout secs!».
………………………………………….

Désarrois, haine, rage, tempête, larmes.
Puis le marteau, de nouveau, dans la chair momifiée du bois, mais ça ne cède pas, alors, la grosse pierre ronde qui dort sous la mousse, qui fait sa lourdasse un instant, mal réveillée, puis qui finit par s'apprivoiser à la poigne de l'enfant et qui prête gentiment sa force d'inertie.
Et BOUM! Et BOUM!
Ça grince, ça miaule, ça crouicouille et soudain, il est un temps où tout se rend à merci, ça craque et ça se déchire de haut en bas.
La pierre tombe au sol.
Le chien hurle de terreur et s'enfuit.
……………………………………….

Dans les ressorts secrets de ses cellules, la matière vivante désincarcère la dimension de conscience de l'agrégat des autres dimensions et la fait surgir au monde en un prodigieux appétit d'être, de sentir, de s'étendre, de se prolonger, de se tester, de conquérir, de s'amalgamer, de fusionner, de rebondir, de se libérer, de durer, de s'adapter, de vaincre, de dépasser, de se dépasser. Toute l'histoire de l'évolution des espèces procède de cette énergie libérée du cœur de la matière qui, à force de patience et d'opiniâtreté a réussi à extirper le vol majestueux du goéland à la glaise originelle!
…………………………………………

Chez l'humain, la dimension de conscience, endormie de toute éternité dans les cristaux et les sels des cellules, s'éveille, se distille, éclot, se déploie, irradie en ondes vibrillonnantes.
Les émotions, l'amour, la musique, la poésie, l'art, le sens de la justice, de la dignité, brûlent de ces feux-là.
……………………………………..

Seule la « conscience de soi » s'évanouit à la mort de l'être. La dimension de conscience universelle, elle, au gré des dilutions des cellules, des dessèchements des tissus, des désolidarisations des corpuscules, se recroqueville peu à peu, régresse de son état rayonnant à sa viscosité de lave tiédissante; les crépitements enthousiastes et pimpants de feu d'artifices font place à des craquements de branchages morts sous le poids du givre, la poudre du grand silence noir enveloppe chaque grain du corps mort d'une nuit d'encre. La dimension de conscience de chaque atome se réfugie, incognito, sagement, modestement, dans son ré-endormissement, à l'abri discret des autres dimensions de l'univers.
Enrichie, peut-être, d'une espèce de lueur mémorielle. Peut-être. Qui sait...
………………………………………

Tout ce qui a flamboyé de vie redevient poussière, poussière endormie, poussière anonyme, poussière morte, mais poussière cocon de la dimension chrysalide de la conscience universelle.

En attente.
En attente, en espoir, au hasard des courants d'eau, au hasard des courants d'air, d'être réinvitée au grand bal du vivant.
………………………………………..

La torpeur tiède de l'après-midi somnolent est soudainement lardée à grands coups de hurlements aigus, tranchants comme des tessons de terreur, ça remonte vivement du vallon boisé par le chemin de cailloux rêches, accompagné du rauque aboiement alarmé du gros chien noir. La campagne assoupie frémit comme sous la claque gelée d'une bise d'hiver, l'air se déchire comme découpé au rasoir.

« - Maman! Maman! Mamaaaan! »
…………………………………………

Et le couple enfant-chien surgit soudain du sous-bois, là-bas, de toutes ses jambes, de toutes ses pattes, hurlant toujours à la mort, poursuivi par un diable invisible. L'enfant tombe, se relève prestement, sans s'inquiéter du sang qui sourd du genoux blessé, et reprend sa course effrénée, les bras tendus vers sa mère qu'elle vient d'apercevoir, là-haut, dans sa grande robe fuchsia, sa maman, sa maman, sa maman, enfin...
La mère la soulève de terre, comme d'un fleuve de lave, serre sa petite très fort très fort sur sa poitrine, sa petite au visage déchiré de griffes de ronces, sanguinolent, couvert de poudre grisâtre, comme tout le reste de son corps. Comme sorti tout droit du grand cendrier des enfers.
…………………………………….

Je veux pas mourir, maman! Tu crois que je vais mourir?
Alors, serrant bien fort ce corps convulsé d'enfant terrorisé sur sa poitrine de maman-refuge, il faut lui expliquer, à petits mots tout doux, tout roses, tout rassurants, tout tièdes, que oui, la vie est belle, merveilleuse, fleurie, empapillonnée, pleine de beaux et de moins beaux moments, de couleurs, de chants d'oiseaux, de vent frais et de larmes chagrines, mais que pour chacun ce n'est qu'un passage, mais un long passage, qu'elle n'en est qu'à son début d'histoire de petite fille, que toute sa vie est devant elle, qu'elle a tant de pages à écrire au grand livre blanc...








Illustrations D.M.

Texte déposé à SACD/SCALA

On peut entendre ce texte, lu par l’auteur, en cliquant sur le lien ci-dessous :



Poésie - PUISQUE TOUJOURS TOURNE LE MONDE


Le livre artisanal réalisé par l'auteur.










PUISQUE TOUJOURS TOURNE LE MONDE


Une fenêtre s’ouvre devant laquelle défilent de fugitives images, se condensent et s’évaporent des atmosphères, surgissent et disparaissent des êtres, des fleuves et des troupeaux. Le vent revient en leitmotiv, troublant les repos craintifs, éparpillant les traces de mémoires. Paradoxalement, dans cette Histoire d’une Humanité en perpétuelle errance, rougeoie la braise d’un inextinguible espoir.

123 pages. Illustrations l'auteur.


Extraits


Et s’il restait
Encore
Un mot
A dire ?
………………………………..

Au fond
Poudreux
Des flaques
Evaporées
Quelle part
D’âme ?
………………………………..

Déjà
L’encre se fige
Et renâcle
A son destin
De mots.
…………………………….

Tout ce temps
Gaspillé
A inachever
L’œuvre.
…………………………………

Le manteau
Poudreux
Des dunes
Asphyxiantes
Altère déjà
L’or
De ton regard.
Tout est perdu.
………………………………….

Grain à
Grain
Se résout
En sable
Le marbre
Des rêves.
………………………………….

A mes côtes arides
Il faut prendre
Les armes.
L’océan
N’y connaît point
Les heures
Paisibles
Des langueurs
Amoureuses.
…………………………………….

Mille et mille
Générations
A transmettre
Des mots tièdes
Dilués en comptines
Dans l’éternel
Ecoulement
Du fleuve
Des laits
Maternels.
Et voir échouer
Un Peuple
Moribond
Sur des plages
Lointaines.
Enfants
Femmes
Hommes
Se déchirent
Les chairs
Aux barbelés
Hérissés
Des Pays
De Cocagne.
………………………………….

L’air
Incandescent
Dessèche
Les corps
Fuyants
Et l’on se tourne
De tous côtés
Et l’on pleure
Des larmes
En poudre.
……………………………….

De quels appétits
De quelles envies
Déchireras-tu
Le Monde
Aujourd’hui ?
Comme un reste
De moelle
Entre les
Dents.
…………………………………….

L’air se raréfie
S’appauvrit
S’alourdit
-Vous le savez
N’est-ce pas ?-
Dans la salle
Commune
Et pourtant
L’on calfeutre
L’on clôt
Hermétiques
Les portes
Et les
Fenêtres.
……………………………………………

Juste
Le fracas
Des galets.
Éternellement
Le fracas
Des galets.
………………………………………

Papillon épuisé
A vouloir franchir
Le tissu
Hermétique
De la vitre.
Nul ne passera
Jamais.
Nul.
Jamais.
………………………………….

Le rideau
Se déchire.
Néant
D’un côté.
Néant
De l’autre.
…………………………………

Le rire
Cristallin
De l’enfant
Irrite
L’épiderme
Du Monde
De rides
Acidulées.
…………………………………….

L’on finit par forcer
Les portes
Refermées
Sur le cœur
Du Monde.
Dans le silence
Glacial
Figé
Cristallisé
Qui étoffait de vide
De désespoir
L’enceinte
Basaltique
De la Cathédrale
De toute éternité,
Juste
Une coupelle
D’or
Où rouillait
Pantelant
Un vieux ressort
D’acier.
Brisé.
L’Univers
Tournait
Autour de cela
Sans plus savoir
Pourquoi.
Pourquoi…
Pourquoi…
………………………………..

Jette au feu
Du siècle
Tes mots
Ebouriffés
Et clos
Ton regard
A jamais.
Tout autre
Geste
Serait
Superflu.
……………………………………

Tous les cercueils
De chêne
Et d’or fin
Furent ouverts
A la hache
Aux flammes
Tremblantes
Des torches.
Vides.
Ils étaient vides
Majestueusement
Désespérément
Vides.
A croire
Que ces Hommes
N’avaient jamais
Existé.
De quel droit
Nous laissaient-ils
Sans racines ?
……………………………….

Comme si le
Troupeau
N’avançait pas
Comme si
Nous étions enlisés
Dans un chaos
De piétinements
Inutiles.
…………………………………

Retiens
Ton expiration
Arbre
Sentinelle
Fier dressé
Dans la nuit.
Il est fini
Le temps
De tes frais
Bavardages.
…………………………….

Que la journée fut belle
Pourtant
A rire et
A boire frais
Du vin
Sous la tonnelle.
Le plancher grince
Derrière la porte.
Qui osera
Les trois pas
Du courage
Et coller
L’œil
Au trou de
La serrure ?
……………………………………..

Les chiens
Aux dents
Rouges
Errent
Affamés
Dans les rues
De minuit.
Qui a lâché
Les chiens ?
Qui élève
Caché du Monde
Des chiens
Aux dents
Rouges ?
………………………………

De vieilles chemises
Rapiécées
On a fait
Des poupées
De chiffon
Pour les enfants
Inquiets.
Eux aussi
Entendent
Eux aussi
Pressentent
Et tardent à s’endormir.
C’est que la nuit venue,
Derrière la porte…
…………………………………..

Encore
Un de ces rêves
Trompeurs ?
Méchante blague
D’une mémoire
Infidèle
Débridée ?
Résidu
Poussiéreux
Des utopies
Du temps
D’avant ?
…………………………………….

Les atomes
Interdits
De la fraîcheur
D’outre-vie
Grésillent
Aux poils
De la barbe
Grise
Du vieux singe
Oublié.
…………………………………..

Des atomes
Effervescents
Franchissent
Les épaisseurs
Calcaires
De la Mort.
Et se glissent
Iconoclastes
Au tas
Poussiéreux
Des âmes
Lyophilisées.
………………………………….

Des placards
Eventrés
La bourrasque
Eparpille
En hurlant
Les actes notariés
Les contrats
De mariage
Les Décrets Royaux
Les Traités
De Paix
Les minutes
De procès
D’Inquisition
Les Lettres de Cachet.
………………………………………

Le tourbillon
Fou
A tout arraché
Des ors de
La chapelle
Les chaises
Déchiquetées
Jonchent la dalle
Froide
De copeaux
Tranchants.
Le Tabernacle
Eventré
Laisse s’écouler
Le ru
Des hosties
Consacrées
A l’appétit
Des rats.
……………………………………

Les massives
Portes
De la relégation
Auraient-elles
Cédé
Sous quelque
Impérieuse
Force
D’Emergence ?
……………………………………

De tout temps
La racine
Immiscée
A vaincu
Temples
Et forteresses.
…………………………………….

Pour un peu
L’on entendrait
Charroyer
Au-dessus de la voute
Le cours régulier
Puissant
D’un fleuve
Sirupeux
Fruité
Epicé
Féminin.
…………………………………..

Et des gouttes
D’air
Frais
S’immiscent
Au gré de cette
Désagrégation
Entrainant
Parfums
Fruités
Et rires
Clairs
Au cœur
Fripé
Des ombres
Mortes.
Des escarpins
De femme
Des chevilles
De femme !
Tout là-haut
Au-dessus de la voute
Suintante.
……………………………..

Et cela doit
Rire
Là-haut
Cela doit
Danser
Cela doit
S’aimer
Sur les sols
De granit
Mauve
Au-dessus
De la crypte.
………………………………..

La vieille porte
De bois
Spongieux
Et de ferrures
Rouillées
S’est laissée
Couler
Au courant
Glauque.
Domptée
Offerte
Lasse
Inconséquente.
………………………………

Insupportable
L’océan du
Plomb fondu
De tant de
Douleur
De tant de
Larmes
De tant de
Désespoir.
…………………………………

Puisque
Toujours
Tourne
Le Monde.
Puisque
Toujours
Rugit
Le soleil.
Puisque
Toujours
Murissent
Des enfants
Aux grands yeux
Dans le sein
Chaud…
… Des femmes.


 
"Puisque..." en lecture publique par l'auteur et Chantal PRIMET au Théâtre Le Carré 30, Lyon 1er, nov. 2009. Sur le mur, les magnifiques encres de Chine de Raphaëlle GONIN.



Texte déposé à SACD/SCALA


On peut entendre ce texte, lu par l’auteur, en cliquant sur le lien ci-dessous :