jeudi 28 juillet 2011

Théâtre - LIGNES DE FUITE



Le livre artisanal réalisé par l'auteur.



LIGNES DE FUITE




Un square sans attrait au milieu de la cité des « DOMINOS ». On s’y croise, on s’y interpelle, on y plaisante, on s’y invective.

Des enfants « farceurs », des ados qui se cherchent un destin, des adultes qui n’ont plus rien à attendre que le train-train des fades habitudes…

Et pourtant des braises de vie grésillent dans tous ces cœurs. Les blessures sont vives mais des gestes de tendresse, des larmes de bonheur ensoleillent par moments ce petit monde replié sur lui-même.

Est-ce assez pour retenir SAMY, le jeune poète qui voit ses rêves de couleurs pâlir dans toute cette grisaille ?

Distribution adaptable en fonction de la troupe. Pièce écrite à l’origine pour un groupe d’une quinzaine de comédiens-comédiennes dont 4-5 jeunes ados (G.F.) 6 grands ados (3G. 3 F.) 2 femmes, 1 homme .

Durée : environ 120 minutes.


Personnages

 Les « petits » :

La Petite sœur de Marco

Les quatre enfants

Les « grands » :

Samy

Sandya

Cassy

Rabiha

Marco

Simon

Les adultes :

Félicité

Kavichy

Odile

Le Chef

Les trois employés municipaux

L’homme à la fenêtre

Les danseurs et figurants



Extraits







Odile    kesk’elle t’a fait, ma merde ? Elle pue plus que la tienne, peut-être ?

Kavichy    Elle m’a fait que j’m’y suis cassé la gueule dessus, voilà c’k’elle m’a fait, et k’demain j’vais porter plainte et k’tu vas charcler d’ici ! C’est pas un camping, ici, c’est pas une poubelle, les clochards, y’a des ponts pour ça, t’as ka y’aller !

(Une fenêtre s’ouvre violemment, au rez-de-chaussée. C’est Félicité qui s’en mêle)

Félicité    Oh, c’est pas bientôt fini de gueuler comme ça, y’a les gosses qui dorment, alors, fermez la ! Vous avez vu l’heure ?

Odile    S’cuse moi, Félicité, j’voulais pas… C’est l’aut’ sauvage, y m’agresse… J’y ai rien fait !

Kavichy    J’ai rien fait, j’ai rien fait ! On va voir ça demain ! Dehors, avec ton barda !

Félicité    Dis donc, toi, t’as pas compris ? Y’a les gamins qui dorment ch’te dis alors tu la boucles ou je monte te chanter une berceuse ! Si t’es pas bien, t’as qu’à boire un coup, et rêver k’t’es mort, ça nous f’ra des vacances !

Kavichy    C’est ça, profite s’en, fais ta grande gueule, toi aussi, à la rue, tu vas t’retrouver avec ta marmaille et l’aut’ tarée en prime ! Et bon débarras !

……………………………………

enfant 1    hé ! matez ! y’a une bestiole sous la poubelle !

les autres    kest’as vu ? C’est koi ?

enfant 2    ah ouais, il a raison, ça r’mue !

enfant 3    putain, c’t’ un rat !

enfant 4    kes’t’en sait k’c’t’ un rat ? On y voit ke tchi, faut y’aller !

enfant 3    tu veux k’c’est koi ? Un éléphant ? La tête de ma mère c’t’ un rat !

enfant 2    putain les rats, ça m’ débecte, ça pue la mort !

enfant 1    sûr k’ c’est dégueux, ces bestiaux ! ça t’fout la chtouille partout !

enfant 3    t’as raison, faut pas k’y prolifère, faut k’on s’le tape, là, tout d’suite, pas k’y s’en va !

enfant 2    et comment k’on fait ? T’as kek’ chose pour l’attraper ?

enfant 4    rien à fout’ de l’attraper, c’k’i faut, c’est l’crabouiller !

enfant 2    ah ouais ? Et avec koi ? A coups d’ tatanes ?

enfant 1    dans l’bordel d’la vieille, doit y’avoir des trucs ! t’tendez, j’reviens !

( il se dirige vers le Caddy d’Odile, y farfouille silencieusement, en retire des bouteilles vides en plastique, les ramène à ses copains)

enfant 1    ké’j’disais ! Un vrai vide-grenier, sa poubelle ! Putain, nous, faut pas k’on fume ou k’on picole mais eux, kesk’y s’foutent dans la barbaque !

enfant 3    donne-nous ça, faut s’dépêcher, faut pas k’y s’tire !

enfant 4    bon, vos gueules, faut y’aller calmos, faut pas k’y s’affole !

enfant 1    bon, Zozo, Caby, vous faites le tour, Sini et moi on reste de c’côté. J’compte jusqu’à trois et on s’le mange !
…………………………………

Sandya    t’as d’la chance, Samy, d’rester là, toute la journée, sans c’te con’rie d’ bahut !

Marco    profite s’en, va, du bahut…Si j’avais su, moi…

Sandya    si ça t’manque, tu peux prendre ma place ! Cadeau, hein !

Marco    Si tu crois k’c’est marrant, d’se traîner là toute la journée à attendre chais pas koi… T’es encore mieux là-bas !

Sandya    p’t’et’ que toi tu t’emmerdes mais Samy, lui, il a pas l’air de s’peler, il en profite, lui, d’avoir tout son temps ! Pas vrai, Samy ?

Samy    Ben, c’est chacun son truc… Moi, comme j’ai plein d’choses à gamberger, c’est vrai k’chuis mieux là mais c’est pas l’ nirvana pour autant…

Sandya    si y’avait une meuf avec toi, sur tes cubes, ça s’rait p’t’et’ moins pire…
…………………………..

Kavichy    pis d’abord, ça vous regarde c’ke j’fais chez moi ? On a plus l’droit d’boire un verre sans s’faire insulter par des p’tits cons ki s’fument des pétards du matin au soir ? C’est l’hôpital ki s’fout d’la charité ! Mais kesk’y z’attendent pour m’mettre tout ça au boulot ! A la chaîne, chez Renault, et à coups d’pieds au cul, encore !

Félicité    (réapparaissant à sa fenêtre) mais kesk’il a encore à gueuler çui-là ? Tu t’es encore levé du pied gauche ?

Kavichy    j’ai k’j’en ai marre de me faire insulter chaque fois ke j’mets les pieds dehors ! Vous avez rien d’mieux à faire ke d’emmerder les gens ? Vous savez c’ke ça veut dire, le respect des autres ?

Félicité    ça, mon p’tit monsieur, pour être respecté, faut d’abord être respectable !

Kavichy    respectable ? C’est toi qui parle d’être respectable ! Toi, ki’a pas un gosse du même père ? C’est à crever de rire !

Félicité    ah oui, tu veux rire ? Attends, j’arrive ! Ah ! Mon salaud !
………………………………

Kavichy    chuis p’t’et’ un égoïste, mais j’ai pas largué des minots dans la nature à la charge de la société, moi !

Félicité    y sont pas largués dans la nature, mes petits, y sont avec leur mère et c’est pas toi ki les nourris, k’je sache !

Kavichy    mais ! bien sûr ke si, c’est moi ki les nourris ! Avec mes impôts ! Paske j’ paie des impôts, moi, madame ! Pas comme d’aut’ ki ramassent le maximum sans jamais rien payer !

Félicité    toi tu paies peut-être des impôts, mais c’est tout c’ke tu fais pour la société ! Moi, la société, j’la construis tous les jours, en élevant mes enfants !

Kavichy    koi ? J’fais rien pour la société, moi ? Redis-le, k’j’ai rien fait pour elle ! Et la guerre, c’est toi ki l’a faite la guerre peut-être ?

Félicité    koi, la guerre ? Ah, pask’en plus, t’es fier d’avoir été casser la gueule à des gens ki voulaient vivre tranquille chez eux ? Et tu voudrais k’j’en fasse autant moi aussi ? PAN ! PAN ! PAN ! Sur tout c’ki bouge !

Kavichy    chais pas si y faut êt’ fier ou pas, en tout cas, j’ai risqué ma peau pour la patrie, tout l’monde peut pas en dire autant !

Félicité    et moi, chaque fois k’j’ai fait un gosse, j’ai risqué ma peau aussi ! Pour donner la

vie ! T’entends, pour donner la vie !

Kavichy    tu veux pas aussi k’on t’file une médaille, pour t’remercier d’avoir passé ta vie à écarter les guiboles, non ?

Félicité    j’ai p’t’et’ écarté les guiboles toute ma vie avec plein d’mecs, mais ça risque pas k’ça soye pour ta gueule !
……………………………………

P’tite Sœur    dis, Marco, tu leur as d’mandé, pour mon rat ? Personne l’a vu ?

Marco    J’ai d’mandé, ma chérie, personne l’a vu encore…

Samy    Si j’le vois… promis, j’t’appelle…

Odile    t’inquiète, ma belle, tu vas trop lui manquer ! Y va vite revenir !

Kavichy    ton rat tu cherches? A la poubelle, il est ton rat, tout aplati ! Tes chers copains ki’ont fait ça !

Marco    (se levant brusquement) Enfoiré ! Sale type ! T’ar’ ta gueule !

(Il va sauter des cubes pour casser la gueule à Kavichy, les autres le retiennent puis tout le monde se retire)
………………………

Sandya    pourkoi tu veux k’y s’en aille, Samy ? Il est bien ici, il y est né, il a k’des amis, tout l’monde l’aime…

Rabiha    tout l’monde l’aime… surtout une ! ki le reluque avec des yeux de merlan-frit ! Mais ki fait comme si y’avait rien !

Sandya    pourkoi tu m’dis ça ?
 
Rabiha    on est copines d’accord ? Alors j’te parle franchement : Tu l’veux, ton Samy ou koi ? Tu veux k’y reste ici avec toi ou pas ? T’as envie k’ses chansons y les écrive pour toi au pas ? T’as envie k’y t’fasse des marmots k’y’auront ses grands yeux d’poète ou pas ? Alors, si tu veux tout ça, y’a k’un truc, tu le choppes entre kat’z’yeux, tu lui roules un gros patin d’salope et tu lui dis « je t’aime j’te veux » ! Et là, il est cuit, il est à toi, y bouge plus d’ici !

Sandya    tu crois k’c’est facile, toi … c’est sûr y m’plait, j’pense k’à lui tout l’temps, le reste j’m’en fous, y’a k’lui ki compte, mais tu m’vois heu… : « Dis, Samy, euh…faut kch’te dise un truc euh…voilà euh… ch’taime, euh… j’veux k’on reste ensemble euh… ! » C’est débile, j’y arriverai jamais, j’aurai l’air d’une conne, y va s’fout’ de ma gueule !

Rabiha    Si y s’fout d’ta gueule, c’est k’c’est k’un con et tu laisses béton, c’est pas grave, mais il est pas comme ça ! Samy c’est un mec bien…S’il est pas d’accord, y t’le dira gentiment, mais ça m’étonnerait, chuis sûre k’Samy, il attend k’ça, k’tu lui dises !

Sandya    kest’en sais ? Y t’a fait des confidences ? T’es sa mère ? Pis d’abord, si y m’aime, pourkoi y fait pas l’premier pas ? C’est au mec, normalement…

Rabiha    Ah oui, paske tu crois encore à ces con’ries ! En tout cas, Samy, sûr k’c’est pas lui ki va te harponner comme ça, PPPPFFFFTTTTT, « Par ici ma cocotte ! ». Toi et lui, ça peut durer cent ans à s’reluquer sans rien oser dire ! Si tu veux k’y’ait kek’chose entre vous, c’est à toi d’y aller !

Sandya    putain, mais j’y arriv’rai jamais ! J’ai jamais fait…

Rabiha    t’es vraiment nunuche, hein ! T’sais koi, j’vais t’montrer !

Sandya    kestu veux m’montrer ? Chuis pas lesbienne, moi !

Rabiha    ça tombe bien, moi non plus ! Juste, on va s’faire une repet’, comme au théâtre, trouver les mots k’tu vas lui dire !

Sandya    paske tu sais faire ça, toi ?

Rabiha    disons k’j’ai d’l’imagination…Bon, on y va ? Y’a pas d’temps à perdre et pis y’a personne pour nous gêner…

Sandya    PPPFFFFFFF ! Bon, ben voilà, euh… Samy, euh, tu veux pas k’on fasse « crac-crac » tous les deux ? Ça va comme ça ?

Rabiha    ouais…ben y’a du boulot, hein ! Bon, on commence par l’début. Tu prends ton sac, tu fais l’tour par là et tu reviens et OH ! Chouette ! Ki c’est k’est su’ l’banc ? Samy, le beau Samy, le grand Samy ! C’est à dire moi ! Allez, Zou, on y va !
……………………………

(Odile, fébrile à l’extrême, ouvre un bout du carton, pénètre dans et ressort plusieurs fois de sa « maison », vient récupérer peu à peu tout ce qui lui appartient et en remplit sa nouvelle demeure. Samy la regarde faire, amusé)

Odile    ah, dis-donc ! J’aurais pas pu trouver mieux !… y’a tout ki rentre et y’a encore de la place ! …j’te jure, j’peux même inviter kelk’un et faire la fête !… t’as vu, Kiki, y’a une place pour toi su’l’buffet ! Avec ton p’tit lit dans l’coin ! …ah, non, pas là, ce s’ra la salle d’eau… tiens, ici, si on pousse le sac… voilà ! On est installé ! kes’t’en dis ? Hein, Kiki, ça t’plait ? Oui, t’as raison, ça manque un peu de lumière… attends, on va arranger ça… dis, Samy, on pourrait pas faire une petite fenêtre, là, pis une autre, là, tu vois, comme ça j’pourrai…

Samy    Vos désirs sont des ordres, Majesté ! Y suffit de d’mander … Où tu les veux, tes baies vitrées ?

Odile    là ! Et l’autre ici, une dans la chambre et l’autre dans la salle à manger ! Et une au plafond, pour la nuit…tu comprends, la Grande Ourse, pour Kiki…

Samy    no problem, m’dame… “Que la lumière soit! »

(Avec son canif, il pratique trois ouvertures selon les désirs d’Odile. Puis il prend un peu de recul, la tirant par le bras)

Samy    c’est beau, chez toi, Didile ! On dirait un p’tit Versailles, y manque plus k’les jets d’eau et les cygnes !

Odile    ça viendra, Samy, ça viendra, si Dieu le veut…
………………………………………….

Marco    on arrose rien…juste envie d’profiter un peu… comme bientôt on s’ra plus là, avec Samy… alors, comme y fait beau…

Sandya    comment ça, on s’ra plus là ?

Marco    ah oui, t’sais pas…avec Samy, on a décidé d’aller voir un peu ailleurs…sûr k’on pourra faire plein d’choses, là-bas…on va s’la manger comme ça, la vie ! Pas vrai, Samy ?

Samy    sûr ! On va s’trouver des vrais musicos, une vraie Prod’, et surtout le public, koi ! Paske du public ki’aime la chanson, ça, y’en a, suffit d’y aller, koi !

Simon    putain ! Y vont s’les met’ à g’nou ! T’vas voir !

Samy    j’vais leur écrire les méchantes chansons ! Même pas y savent k’ça existe ! Dix par jour, j’leur en sors ! J’ai trop d’choses à raconter…

Marco    moi, chuis son Agent ! Toutes les téloches, jui fais faire ! Et les concerts ! Y’a pas assez d’jours dans l’calandrier ! Parole ! Les dollars, on s’les fait en salade matin midi et soir !

Rabiha    ben dis-donc, pour une nouvelle, c’est une nouvelle ! Kest’en dit, Sandya ?

(Celle-ci reste muette, statufiée)

Simon    ça va couler à flots ! On va tous s’les niquer ! Moi, j’vous r’joindrai, hein ? J’prendrai la caisse de mon vieux ! Putain ! La Grande Evasion !

Rabiha    ah ben ! T’auras l’air fin avec ta Renault 16 de l’époque des dinosaures au milieu des Porsche et des Ferrari !

Simon    toi, tu peux t’fout’ de moi ! T’as même pas un vélo !

Marco    d’toute façon, kant’on aura réussi, on vous invit’ra dans not’ méga-Palace ! Pas vrai Samy ?

Samy    bien sûr k’tout l’monde viendra ! Le soleil, ce s’ra pour toute la famille ! Tous autant k’on est !
………………………………..

Sandya    c’est vrai ?

Samy    c’est vrai koi ?

Sandya    c’k’y dit Marco, k’tu vas partir…

Samy    oui oui, c’est vrai ! C’coup-là, c’est décidé, on y va ! Lui et moi c’est pareil, on peut plus rester là, faut k’on aille voir ailleurs…

Sandya    keskia, là, ki’è pas bien, k’y faut k’tu partes ? Y’a l’feu ?

Samy    y’a pas l’feu, Sandya, y’a pas l’feu…y’a l’vide ! Le vide ! Tu comprends ?

Sandya    ah non, j’comprends pas ! kel vide ? On est pas là, nous ? chuis pas là, moi ? Tous les gens d’la cité, ça existe pas ? On est k’des zombies, on compte pas pour toi ?

Samy    j’dis k’c’est l’vide paske moi chuis un poète, un artiste, et k’j’ai b’soin k’on m’écoute, k’on fasse attention à c’ke j’dis, à c’ke j’pense, et k’ici, personne en a rien à foutre, j’ai l’impression de vivre avec des sourds, j’ai beau dire dans mes chansons k’on pourrait faire autrement, k’on pourrait mettre un peu d’soleil dans tout ça, vous continuez à faire comme si on était dans une poubelle, comme si on pouvait pas faire autrement ke d’s’essuyer les pieds sur la gueule des autres ! A longueur de temps, c’est k’des engueulades, des insultes, d’la bêtise, bien grosse, bien grasse ! C’est à ki f’ra le plus de mal à l’autre, pondra le plus gros caca ! Y’a encore pas longtemps ça m’f’sait marrer, tu vois, comme à Guignol, les gentils, les méchants, mais là, j’en ai marre, d’ viv’ ça en permanence, ça m’dégoûte, c’est moi ki’ai l’impression d’être un zombie dans votre histoire !

Sandya    tu dis « vous » comme si j’étais comme tout l’monde…
……………………………….

Cassy    je m’appelle Cassy… j’étais là, sur le banc…Kes’ vous faites ?

Simon    devine !… on fait des graphes… faut leur montrer qu’on existe…

Enfant 1    pis, on a l’droit d’s’exprimer !

Cassy    j’suis d’accord avec toi, tout l’monde a l’droit de s’exprimer ! … C’est koi, « Shaarky » ?

Simon    c’est mon nom d’guerre ! Y’a k’nous ki l’sait ! J’le tague partout ! S’sont bien obligés d’le voir !

Enfant 3    même k’la Mairie, y paient un gus exprès pour effacer ses graphes ! Et nos trucs avec !

Simon    entre eux et moi, c’est la guerre ! Y z’aimeraient bien m’prend’ sur le fait, y z’ont jamais pu !

Cassy    j’trouve ça passionnant, vot’ démarche, montrer k’ vous existez en dessinant sur les murs, ça m’plairait bien d’le faire un peu avec vous ! Vous m’faites une p’tite place ?

Simon    pourkoi, t’sais faire ça, toi ?

Cassy    un peu, je suis peintre…entre autres…

Simon    ah, oui, t’es peintre, toi ? T’sais, nous, les peintres…on fréquente pas trop…

Enfant 1    laisse-la faire, Simon, si ça s’trouve, elle touche sa bille…

Simon    bon…si ça peut vous amuser… t’veux une bombe ? J’te préviens, on a k’du noir !

Cassy    j’vois ça, ça fait un peu tristounet… mais t’inquiète pas, j’ai tout c’ki faut !

(Elle dépose son sac à dos par terre, l’ouvre)

Simon    eh ! Traîne pas trop, j’ai pas envie de m’faire chourer !

Cassy    t’es un anxieux, toi ! N’aies pas peur, moi non plus, y m’ont jamais prise !
…………………………………….

Simon    tu t’tires ? Mais Marco y m’a dit k’c’était annulé ! Plus tard, k’y m’a dit !

Samy    c’est vrai…Marco, y viendra plus tard…mais moi, j’peux pas rester plus longtemps, j’sature, là… les salades, les prises de tête, la médiocrité k’on nous impose tous les jours… de l’air ! De l’air !

Simon    mais t’sais même pas où tu vas ! Y’a personne avec toi !

Samy    chuis pas tout seul, Simon… j’pars avec une nénette super… elle m’est tombée comme ça… j’veux pas la rater…

Simon    une nénette… tu veux pas dire k’toi et…

Samy    si ! J’pars avec Cassy. Elle veut m’faire connaître son monde, un vrai monde, comme je rêve…

Simon    putain, c’est pas possible ! Tu t’casses avec elle, comme ça… et nous, kesk’on d’vient ? On est k’des cloches ? Et moi ? J’devais vous rejoindre toi et Marco ! J’devais aller là-bas, moi aussi, rappelle-toi !

Samy    plus tard, Simon, plus tard, p’t’êt’…

Simon    mais c’est pas juste ! Tu peux pas t’tirer et me larguer, là…
………………………………

Samy    m’en veux pas, Simon… chuis décidé… c’est ma vie… mais c’est promis… dès k’c’est possible, j’te fais signe… promis, Simon, promis…

Simon    allez, ça va… j’ai compris… j’ai compris…

(Il se lève soudain, se colle face aux cubes et les martèle de coups de poings en hurlant)

Simon    …chier ! chier ! chier ! merde ! ‘culés ! ‘culés ! ‘culéééééés !

(Bouleversé, il tombe à genoux à côté des cubes. Samy s’accroupit à côté de lui, le serre dans ses bras.)

Samy allez, allez, mon grand, m’en veux pas, mais y faut, tu comprends, y faut… dès k’y’a du neuf…c’est promis… c’est promis, Simon, c’est promis… tiens, passe-moi ta bombe…

(Machinalement, Simon donne sa bombe de peinture à Samy. Celui-ci écrit sur les cubes : «

Mon étoile m’appelle. Je vous aime. A bientôt. Promis ! Samy ». Il rend la bombe à son copain.)

Samy    y vont pas l’effacer dans la nuit, j’espère… allez, Simon, faut k’j’y aille… à plus, vieux frère…

Simon    c’est ça, à plus… à plus…





Texte déposé à SACD/SCALA

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire